Top 20 des pochettes les plus marquantes de l’année 2022


Kendrick Lamar en 2015Club Cheval en 2016Lomepal en 2017Deena Abdelwahed en 2018Kristin Anna en 2019Kalash Criminel en 2020, Jerusalem in my heart en 2021… et en 2022 ? Comme tous les ans, Néoprisme vous dévoile son classement des vingt pochettes les plus marquantes de l’année.

20. Rank-O — De Novo — Another Record

Une tige qui s’enfonce dans le nez, à la recherche d’une lueur potentielle de Covid ? Fausse route ! Tout, en 2022, n’est pas lié à ce virus qui nous a tellement empoisonné la vie, et les membres de Rank-O sont là pour le rappeler.

19. Primevère x Julien Philips — II

Une pochette de disque où le protagoniste y figure nu, les jambes croisées, la clope à la main et les yeux plissés ? Avec deux chats qui vivotent aux alentours, le tout afin de signifier l’artiste qui se met à nu devant sa musique ? Que vous faut-il de plus ?

18. Freak It Out x Vincent Belbari — Re : [activate] — Foudrage

Un robot qui voudrait bien, à son tour, devenir humain ? Pour illustrer ce désir devenu le fil d’Ariane de son premier album Re : [activate], le groupe Freak It Out a demandé à Vincent Belbari, dans un style à la Mœbius, de mettre en scène ce robot face à l’immensité d’une cité fantasmagorique. Une pochette comme une porte d’entrée vers un disque qui donne le vertige.

17. Dombrance x Olivier Laude — République électronique — Echo Orange

Un porte-avion à la place des épaulettes pour Charles De Gaulle. Georges Pompidou conçu comme le centre d’art contemporain auquel il a donné son nom. Valéry Giscard d’Estaing monté comme une centrale nucléaire. François Mitterrand façon Robocop. Jacques Chirac qui garde une pomme dans une poche… et une canette de Corona dans une autre ! Nicolas Sarkozy en robot CRS premier flic de France. François Hollande flasque comme un Flanby et Emmanuel Macron, le “président jupitérien” par excellence. Une pochette à montrer à vos bambins pour qu’ils retiennent plus facilement l’histoire de la Ve République.

16. Witch Fever x Reuben Bastienne-Lewis — CongregationMusic for nations

Est-ce le corps du Christ qui se trouve, aveuglé, sous ce drap épais ? Ou celui de sa mère Marie ? Ou celui de Saint-Pierre, plutôt, qui porterait au bout de ses mains les clés offrant l’entrée vers les portes du Paradis ? Ou une mage sombre, qui incarnerait les forces des ténèbres, si l’on se base sur le clip du morceau « Congregration » ? Impossible de le savoir clairement. Et peu importe. Sur la pochette de l’album Congregation, ce que représente cette forme qui effraie plus qu’elle ne rassure malgré son caractère sacré, c’est l’Église toute entière, et la crainte indicible qu’elle peut générer auprès de celles et de ceux qui ont été confrontées à ses aspects les plus sordides.

15. Bottler x Paulin Rogues — Journey Work — InFiné Music

Des formes, ensemble, se sont entremêlées, sont devenues un seul tout, ont pris d’assaut la logique pour la recouvrir d’incertitudes. Il y a un corps recroquevillé sur lui-même, en fœtus, agrippé par des mains qui semblent toutes êtres les siennes, bien qu’on en décompte une douzaine sur cette image… Une malformation physique immensément singulière qui doit surtout être comprise comme une métaphore bien peu optimiste de ce que peut être, lorsque tout ne se passe pas pour le mieux, a Journey Work, titre énigmatique dont on peut lire qu’il “évoque à la fois une thérapie basée sur l’ouverture de soi, les différentes étapes de développement personnel, les cycles de la vie, avec ses hauts et ses bas, ou la préparation spirituelle à l’expérience psychédélique”. Tout un programme, tout un tas d’angoisses à mettre dans le bon sens avant de les envoyer valdinguer loin d’ici et donc ailleurs.

Bottler x Paulin Rogues — Journey Work

14. Yôkaï x Robert Wenkam — Coup de grâce — Humpty Dumpty

Six jours d’enregistrements intensifs, instinctifs, incendiaires, qui fondent un disque aux accents free-jazz, math-rock, psychédéliques, post-rock. Comment illustrer un disque né d’une si grande frénésie collective ? En laissant le destin décider et les étoiles s’aligner, comme ce jour où Yannick Dupont (batteur, claviériste et compositeur de sept des neuf morceaux du disque) est tombé, au hasard des tracés, sur cette illustration figurant ces palmiers qui, dans les tropiques ou ailleurs, se dézinguent, se courbent et se cambrent, lorsque les vents, trop violents et trop nombreux, les secouent jusqu’à en faire décrocher certains des sols trop fragiles. Le hasard, quand on le laisse s’exprimer, fait parfois bien les choses.

Yôkaï x Robert Wenkam — Coup de grâce (2022)

13. Steve Lacy x Frank Dorrey x Viktor H — Gemini Rights — L-M Records / Sony Music Entertainment

Le Californien Steve Lacy est né un 23 mai, ce qui fait de lui un gémeau. Un signe astrologie marqué, dans l’imaginaire collectif et selon ceux qui pensent la vie par ce prisme-là, par l’idée de dualité, qu’il s’agisse d’une dualité d’opposition (le conflit, l’instabilité, la dispersion, voire la destruction) ou bien de complémentarité (la tolérance, l’égalité, la bienveillance…) Cette pochette, fabriquée par Frank Dorrey, marque à son tour cette dualité.

Steve Lacy x Frank Dorrey x Viktor H — Gemini Rights

12. Kendrick Lamar x Renell Medrano — Mr. Morale & The Big Steppers — Top Dawg Entertainment

Père de famille attentif (la gamine dans les bras). Christ pour qui les épines sont devenues diamants (la couronne). Témoin et acteur conscient des dangers que représente, encore et toujours, le monde environnant (le flingue à la taille et le regard tourné vers l’extérieur, au cas où). Une pochette magnifique qui porte un disque rare, où le propos est humble, honnête, introspectif. Reste à savoir, avec ce disque qui regorge d’allusions christiques et donc testamentaires, ce qu’il adviendra de cette silhouette coiffée d’une couronne d’épines en diamant à la fin de cette longue Passion dont Kendrick Lamar semble, c’est inédit, décider lui-même du tracé…

11. Kids Return x Apollo Thomas — Forever Melodies — Ekler’o’shock / Hamburger Records

Les débuts de l’adolescence magnifiés par un duo qui emprunte au cinéma du Japonais Takeshi Kitano, et au talent de l’illustrateur Apollo Thomas, déjà vu l’an passé chez Il est Vilaine. Avec en sujet central de cet artwork le même vélo que sur l’affiche de Kids Return, le flm de Kitano qui a donné son nom au projet d’Adrien Rozé et Clément Savoye.

10. Yeun Elez x Hoel Moce — Yeun Elez — Teenage Menopause Rds

Dans un album ombrageux et conceptuel sorti sur Teenage Menopause Rds, Yeun Elez raconte ce lieu mystérieux qui, dans le Finistère, pourrait bien être la porte des Enfers. Il signe un visuel aussi marquant que sa techno froide, distante et narrative, visuel initialement conçu comme une gravure sur bois.

9. Ko Shin Moon x Ardneks — Miniature I & II — Total Totem

Pour Ko Shin Moon, rencontre entre les musiques synthétiques et psychédéliques anglo-saxonnes, les musiques de l’Inde, mais aussi issues des répertoires égyptiens, grecs, turcs, kurdes, il fallait une identité visuelle à la hauteur. Et c’est l’illustrateur, peintre et designeur indonésien Kendra Ahimsa, aka Ardneks qui l’a rapidement incarné, en concevant pour le groupe ces images évoquant les estampes et peintures indiennes des XVII et XVIIIe siècle.

Ko Shin Moon x Ardneks — Miniature I & II
Ko Shin Moon x Ardneks — Miniature I & II

8. Sathönay x Nicolas Pegon – Addio Al Passato – S.K. Records / Carton Records

Est-ce que cela nous représente ? Ou notre musique ? Pour moi, glisse Nicolas Poisson, moitié de Sathönay, c’est le visage que je vois quand je regarde les autres pendant un concert. Peut-être que ce n’est pas de l’eau. Quand Alice pleure, elle crée un océan… C’est peut-être un rire furieux, un orgasme. Nico Pegon a la réponse a toutes ces questions, nous, nous ne pouvons qu’imaginer. Quelle chance !” La pochette la plus bizarre de l’année est ici. Célébrons-la comme elle se doit.

Sathönay x Nicolas Pegon – Addio Al Passato

7. Vanessa Wagner x Laurent Pernot — Study of the invisible — InFiné Music

Remarqué en 2016 avec son album collaboratif avec le producteur mexicain Murcof ou encore en 2019 avec l’album [Inland], la compositrice et pianiste Vanessa Wagner revient, chez InFiné, avec un album rendant hommage aux travaux de Suzanne Ciani, de Harold Budd, de David Lang, de Bryce Dessner, de Philip Glass. En guise d’illustration, elle s’appuie sur le travail de l’artiste Laurent Pernot, et sur ces lèvres qui ont su traduire, à ses yeux, le lien mystérieux qui existe entre des lèvres qui, pour la première ou énième fois, se rencontrent.

6. Dolphin Flight x Dexter Maurer — CHPTL – 054 : Méandres — Cheptel Records

De drôles d’avions — qui ressemblent, plutôt, à des poissons, des crustacés, à ces espèces sous-marines dont on apprend le plus souvent l’existence au sein de documentaires animaliers fascinés, mais bizarrement, pas tellement à des « dauphins qui volent »  — circulent dans un ciel bleuté. La ligne aérienne, dans les parages, est particulièrement embouchée, les avions de la compagnie Dolphin Flight frôlent les regards de singes qui, dressés sur leurs deux pattes comme s’ils étaient sur le Rocher du Zoo de Vincennes, ressemblent à l’homme et, éléments notables, préfèrent regarder le spectateur que ce défilé aérien. À leur place, en aurait-on fait de même ? Coup de cœur pour ce travail perché et poétique de Dexter Maurer, qui illustre l’album du groupe Dolphin Flight

Dolphin Flight x Dexter Maurer — CHPTL - 054 : Méandres

5. Wax Machine x Andrew McGranahan — Hermit’s Grove — Batov Records

Comme dans un immense trip psychédélique, vous trouverez sur cette pochette de disque ce que vous aurez envie d’y voir. Dans le désordre ? Une créature mi-poisson, mi-humain, un ermite barbu, la pomme et le serpent de l’Éden, et même un globe, où l’on pourra distinguer à la fois l’Angleterre (et si l’on y zoomait beaucoup, la ville de Brighton, d’où ce disque a été conçu) et l’immense pays brésilien. Un visuel signé par l’illustrateur Andrew McGranahn, engagé par les Wax Machine pour proposer un environnement visuel à cet album indéniablement marqué par les lévitations sensorielles des sixties et seventies.

4. La Femme x Sophy Hollington – Teatro Lúcido — Born Bad Records / Disque Pointu

Une pointe d’ésotérisme pour la pochette du dernier album de La Femme, hispanophile et énigmatique comme une musicienne de flamenco, un soir de pleine Lune… Après celle de Psycho Tropical Berlin par le Belge Elzo Durt, celle de Mystère par l’Italien Tanino Liberatore et celle de Paradigmes par le Français Polygon, une nouvelle réussite visuelle réalisée, cette fois (et enfin !) par une femme : l’Anglaise Sophy Hollington.

3. Selman Faris x Rægular — Neva — KIRAZ

Le rouge des grenades, le bleu du ciel, et le groove très méditerranéen du multi-instrumentiste Selman Faris qui rencontre l’illustration très moderne de Rægular, l’illustrateur qui a signé ces dernières années des pochettes pour Orelsan, Nekfeu, Jazzy Bazz ou bien sûr pour Lomepal et l’image devenue culte de Flip. Une pochette basée sur le tableau d’une nature morte « ottomane » accroché chez les parents de Selman et devenu l’un des artworks les plus marquants de l’année.

Selman Faris x Rægular — Neva
Selman Faris x Rægular — Neva

2. Gabriels x Melodie McDaniel — Angels & Queens (Part. 1) — Atlas Artists / Gabriels LLC

C’est une voix à faire basculer les anges du ciel à la terre, à faire rendre la couronne aux reines, qui ne voudraient plus de ce poids-là sur le dessus du crâne. La voix de Jacob Lusk, le chanteur principal de Gabriels. C’est une âme qui se soigne, qui se purge, qui se confesse sur un album qui rend hommages aux anges et aux reines, et dont cet aspect thérapeutique est largement signalé sur une pochette absolument magnifique signée Melodie McDaniel, photographe et vidéaste américaine au parcours remarqué et déjà habituée, par le passé, à photographier la grâce, le spirituel, le sacré. 

1. Astéréotypie x Olivier Verbrugghe — Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme — La Belle Brute / Air Rytmo

L’album le plus atypique de l’année, initialement pensé comme un atelier d’écriture en institut médico-éducatif (IME) pour des personnes atteintes d’autisme, illustré par la pochette la plus bizarre, drôle et décalée de l’année. Astéréotypie chante le love pour les billets de 20 balles, préférait ne rien faire plutôt que de faire, ne connaît personne ressemblant, de près ou de loin, à Brad Pitt du côté de Valence, de Montélimar, de Nyons, et plus généralement dans la Drôme. Et c’est de ce dernier constat qu’est aussi parti l’illustrateur Olivier Verbrugghe pour la conception d’une identité visuelle, elle aussi, particulièrement atypique, avec Brad (est-ce bien vraiment lui ?) façon vignettes Panini au centre de tout. Et une carte détaillée de la Drôle derrière. Tout ça à la fois. On hurle aux génies, car c’est bien de cela dont il s’agit.