Witch Fever x Reuben Bastienne-Lewis — Congregation


Un corps au repos, les deux mains posées sur un accoudoir que l’on ne peut voir, est recouvert par un drap vert. Des cierges ont été allumés et brûlent à ses côtés, de même qu’y traînent quelques images sacrées… et d’autres qui le sont un peu moins (un crâne multicolore, un animal en plastique, des cartes de tarot…).

Witch Fever

Épines

Sur sa tête, non pas une couronne d’épines… mais une couronne de pics que l’on devine tranchants, la même que portent parfois les musiciennes du groupe punk Witch Fever (la « Fièvre des sorcières », si l’on doit traduire) sur les photos promotionnelles de ce groupe de Manchester qui gueule contre le patriarcat, les conformismes à-tout-va, les cultures du viol que les dominants n’ont pas l’habitude de nommer comme ça.

Est-ce le corps du Christ qui se trouve, aveuglé, sous ce drap épais ? Ou celui de sa mère Marie ? Ou celui de Saint-Pierre, plutôt, qui porterait au bout de ses mains les clés offrant l’entrée vers les portes du Paradis ? Ou une mage sombre, qui incarnerait les forces des ténèbres, si l’on se base sur le clip du morceau « Congregration » ? Impossible de le savoir clairement. Et peu importe. Sur la pochette de l’album Congregation, ce que représente cette forme qui effraie plus qu’elle ne rassure malgré son caractère sacré, c’est l’Église toute entière, et la crainte indicible qu’elle peut générer auprès de celles et de ceux qui ont été confrontées à ses aspects les plus sordides.

Ombres

Les membres de Witch Fever font partie de celles-là, et notamment sa leadeuse Amy Hope Walpole, qui a grandi au sein d’une communauté proche de l’Église charismatique anglicane – et qui, sur des morceaux comme « 12 » ou « I Saw You Dancing » — dénonce les abus d’une Église dont les ombres disent intimidation, domination, pédophilie, omerta séculaire. La vengeance, à l’âge adulte, prend la forme du punk.

Jetez un œil au clip du morceau « Congregration », puis à celui de « I Saw You Dancing ». Et guettez cette forme verdâtre, la même que celle photographiée par l’artiste Reuben Bastienne-Lewis pour la pochette — qui guette et se manifeste à chaque coin de dortoir, de salle communale, de presbytère. Et qui attire les agneaux dans la tanière des loups. Des agneaux qui voient, un jour, leurs dents pousser. Et prendre les guitares façon Riot grrrl en guise d’arme de contestation massive.

Witch Fever (Site officiel / Facebook / Twitter / YouTube / Instagram / Bandcamp)

Reuben Bastienne-Lewis (Site officiel / Instagram)

Witch Fever, Congregation, 2022, Music for nations, 40 min., design de Yasmina Aoun, illustration d’Amy Hope Walpole, photo de Reuben Bastienne-Lewis.