Ko Shin Moon x Ardneks — Miniature I & II


Ko Shin Moon x Ardneks — Miniature I & II

Un joueur de saz à trois visages montant une oie au beau plumage. Un joueur de zurna dont l’instrument laisse échapper une ribambelle de fanions multi-colores. Un homme à tête de cheval grattant des cordes, un autre à tête de vache jouant du synthé. Une femme qui danse et un homme qui lui répond. Des fleurs, des palmiers, le ciel azur et une panoplie de couleurs au service d’un disque regroupant deux EPs (Miniature 1 et Miniature 2) et plus globalement d’un projet regroupant 100 influences : Ko Shin Moon, groupe fondé en 2017 suite au long séjour en Inde de l’un de ses futurs membres — Axel Moon.

Ko Shin Moon © Julia Grand Perret

De l’Inde, où il a étudié quatre ans, joué de la musique, beaucoup voyagé — il fut étudiant en sitar à l’université Viswa Bharati de Santiniketan —, Axel a ramené des instruments, des sonorités, des idées et une culture forcément bouleversée par l’apprentissage du bengali, de l’hindi et des différentes traditions du pays.

Sbāgata

Avec Niko Shin, il fonde donc le groupe Ko Shin Moon avec l’idée, ambitieuse, d’inscrire sa musique dans une « sono mondiale nouvelle, délicate et exigeante ». Ko Shin Moon fait se rencontrer les musiques synthétiques et psychédéliques anglo-saxonnes, les musiques de l’Inde, bien sûr, mais aussi issues des répertoires égyptiens, grecs, turcs, kurdes. Grand métissage. Grande singularité.

Ardneks dans son studio (via Panm360)

Pour un tel projet, il fallait une identité visuelle à la hauteur et c’est l’illustrateur, peintre et designeur indonésien Kendra Ahimsa, aka Ardneks (vue chez Penguin Cafe, Khruangbin, Neon Indian, Flamingods ou Jonathan Kusuma) qui l’a rapidement incarné, en concevant pour le groupe ces images (« d’abord dessinées au crayon puis vectorisées numériquement », précise l’artiste) évoquant les estampes et peintures indiennes des XVII et XVIIIe siècle. Joint par mail et à propos de son travail pour Ko Shin Moon, Ardneks témoigne :

« Quand j’ai entendu parler pour la première fois des chansons de Miniature 1, je les ai immédiatement visualisées comme des contes racontés à travers des peintures miniatures mogholes / perses. J’y ai implémenté mon propre style visuel et ai évoqué tous les éléments que vous pouvez voir sur les pochettes. D’après les personnages et leur pose, les animaux, les instruments, tous ont des significations particulières qui prennent tout leur sens dès que vous entendez la musique. »

« Il y a en Indonésie une forte influence historique de l’Inde », complète Axel Moon. « Les miniatures dont il s’est inspiré pour sa création sont des miniatures mogholes, une culture qui est le fruit de la rencontre entre l’Inde et la Perse musulmane. C’est un syncrétisme fort, cela avait du sens pour lui de s’inspirer de ces miniatures pour illustrer notre travail. »

L’hommage sans le cliché

Ardneks habite Jakarta et Axel a habité longtemps en Inde. Des situations personnelles qui évitent, bien que la frontière soit toujours infime, de rendre hommage sans pour autant caricaturer. Axel, comment fait-on pour ne pas la franchir, cette frontière dangereuse où l’hommage devient l’appropriation culturelle ? « Via l’échange, la communication, la collaboration. Il faut prendre le temps d’apprendre, collaborer avec des musicien·nes connaisseurs·ses pour comprendre ce qui est juste ou pas. Il y a une vraie question de justesse, le plus difficile est de comprendre l’ethos d’une tradition musicale, lorsque l’on n’est pas né·e dedans, de comprendre ce qui anime l’écoute. Le fait d’être ‘’en-dehors’’ permet de développer sa propre vision, puis la rencontre et la collaboration permet d’entremêler sa vision et la vision de celui ou celle avec qui on collabore, et de faire émerger de nouvelles choses. »

Ko Shin Moon (Site officiel / Facebook / Instagram / Bandcamp / SoundCloud)

Ardneks (Site officiel / Instagram)

Ko Shin Moon, Miniature I & II, 2022, Total Totem, 38 min., artwork d’Ardneks.