Selman Faris x Rægular — Neva


Un père musicien sur les rives du Bosphore — l’éminent Kudsi Ergüner, l’un des plus fameux joueurs de ney de Turquie, une flûte oblique apparue très tôt au Proche et au Moyen-Orient. Un parcours qui le pousse à apprendre le ney, bien sûr, mais aussi le chant, le piano, la guitare, le saz, à bidouiller les logiciels que connaissent les producteurs qui ont fait du do it yourself une marque de fabrique solide. Un réseau qui l’oriente, depuis plusieurs années, à collaborer avec Alpha Wann, Laylow, Nekfeu ou même Stromae, chez qui il joue du ney sur le morceau « Pas Vraiment« . Et un envol, finalement, qui l’entraîne à quitter l’ombre le temps d’un long EP — qui pourrait aussi bien s’appeler court album — qui porte en lui un groove très méditerranéen, influencé, bien sûr, par les musiques défendues par le paternel, mais également par le funk, par le hip-hop ou par les musiques électroniques, le tout au service d’un essai nommé Neva, dont on apprend que le mot signifie donc « son », ou « résonance ».

Pour illustrer Neva, un illustrateur, graphiste, designer qui partage, avec Selman Faris, des connexions, des liens, un réseau, une attraction pour les musiques urbaines qui ne se limitent pas à ça. Rægular a.k.a Samuel Lamidey a signé ces dernières années des pochettes pour Orelsan, Nekfeu, Jazzy Bazz ou bien sûr pour Lomepal et l’image devenue culte de Flip. Il accompagne cette fois Selman Faris, multi-instrumentiste aux multiples idées qui nous raconte, en quelques mots, l’origine de cette pochette aussi solaire que les températures qui, de Paris à Istanbul, touchent actuellement une Europe qui a bien besoin de ces projets qui rappellent, ce n’est pas inutile, la vertu des vrais métissages.

Selman Faris

Cette image, si je me rappelle notre rapide conversation à ce sujet, est en réalité présente dans ta vie depuis très longtemps… Peux-tu nous en raconter l’origine ?

Les grenades que l’on voit sur la cover sont en fait tirées d’un tableau d’une nature morte « ottomane » accroché chez mes parents, dans le salon. J’étais avec eux le jour où ils ont récupéré ce tableau à Istanbul quand j’étais petit. Et ce tableau m’a toujours beaucoup plu. Donc ce choix-là s’est fait naturellement.

Grenades

Pourquoi ce choix, afin d’illustrer ton premier album, d’un amas de grenades posées les unes sur les autres ?

J’ai toujours illustré mes projets ou concerts par des mosaïques turquoise associées à des grenades. Je trouve qu’il y a dans ces représentations quelque chose d’assez universel et simple et en même temps très marqué culturellement. Là, on a voulu faire quelque chose de plus élaboré. Et comme je voulais qu’il y ait une dimension surréaliste dans la cover, Raegular — qui a réalisé cette pochette — a proposé ces grenades gigantesques à l’horizon. Et j’ai tout de suite aimé l’idée.

Selman Faris x Rægular — Neva (détails)

À quelle idée renvoie le mot Neva, le nom de ce premier album ? Je sais que c’est le nom d’une rivière russe, mais en dehors de ça, je sèche…

Pour le coup, aucun rapport avec la rivière. Neva est le nom d’un mode musical de la musique traditionnelle turque, ainsi qu’un mot ottoman ancien qui signifie « son », ou « résonance ». La sonorité du mot me plaisait, aussi.

Quête

Comment, dans ton esprit, connecter le nom de ce premier album à l’image qui l’accompagne ? Et dit-elle quelque chose de spécifique, cette image ?

Il y a l’horizon et la profondeur qui étaient très importants pour moi. La résonance (Neva) et la propagation du son sont directement liées à cette profondeur d’espace : les deux vont effectivement ensemble. Les grenades à l’horizon peuvent signifier beaucoup de choses, mais il y a surtout l’idée d’une quête, d’une exploration de paysages inconnus.

Ça fait manifestement un moment que tu travailles, de près ou de loin, en lien avec des musiciens, des producteurs, des illustrateurs, des graphistes. Au moment de concevoir la pochette de son premier album, ce vécu est-il un accélérateur ou rend-il, au contraire, le choix plus difficile encore ?

Même si j’avais bossé sur des albums, je ne m’étais jamais retrouvé dans la situation de discuter de mon univers avec un graphiste. Ce n’était pas évident au début, mais en procédant par élimination sur ce que l’on ne voulait pas, en donnant beaucoup de références, aussi, on a fini par bien avancer.

Comment en es-tu venu à travailler avec Rægular sur cette pochette ? 

On se connaît depuis quelques années parce que l’on bossait sur les mêmes albums — en particulier ceux d’Alph Wann et de Nekfeu. Hologram Lo’, qui nous connaît très bien tous les deux, a fait le pont pour démarrer et a supervisé l’entièreté de notre collaboration pour les singles et la cover. Les singles en vinyle, par exemple, c’est son idée. Je suis très content d’avoir été si bien entouré pour mes premiers visuels.

https://twitter.com/raegular/status/1534540059008966657?s=20&t=b_rcX5RC145L6pd8IpSgtw

La typographie, elle, renvoie quasiment aux univers des premières consoles de jeux vidéos, fin 80’s / débuts 90’s. Quelles discussions ont amené la création de cette typo si singulière ?

On voulait faire en sorte que la typo ajoute quelque chose d’instantanément moderne et contrebalancer avec l’image qui aurait pu faire un peu rétro sans elle.

Rouge

Le rouge, déjà, était la couleur dominante de ton huit titres Monaco, en featuring avec K.S.A. Est-ce un choix conscient, et la couleur avec laquelle tu souhaites affirmer ton univers visuel ?  

C’est un pur hasard. La cover de Monaco, c’est surtout K.S.A. qui s’en ait chargé avec WWWESH Studio. Pour la cover de Neva, c’est surtout l’association du rouge plus agressif et du bleu plus apaisant qui m’a plu.

K.S.A. & Selman Faris x WWWESH Studio — Monaco

Selman Faris (Instagram / YouTube)

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Selman Faris, Neva, 2022, KIRAZ, 31 min., artwork de Rægular