Frustration x Baldo — Our decisions
Une tractopelle déplace par centaines des contenants en plastique, en verre, en polyester, en matières non recyclables — un téléviseur des années 90, qu’en faire ? — destinés à venir grossir encore la pile vertigineuse de déchets que produisent chaque année les humains sur Terre — 2,3 milliards de tonnes de déchets produites dans le monde en 2023 ? Record à battre.
Déchets
Le ciel est bas comme s’il s’apprêtait, par Toutatis, à tomber sur la tête de quiconque se trouverait dessous, et les nuages, évidemment, viennent alourdir encore l’horizon. Au milieu des canettes de bières usagées, des bouteilles d’eau minérale, des bidons d’essence, une jeune femme se balade, les gants et les bottes enfilés afin de protéger les extrémités et la tenue complète de celle qui se retrouve, allez savoir pour quelle raison, au milieu d’un tel désastre écologique. C’est une décharge et il faut trouver son chemin au milieu d’elle. Horizon 2030 ?
Le sac qu’elle transporte avec elle suggère que cette humaine-là — ou peut-être est-ce, après tout, un humain — est lancée dans un travail de récupération, de tri, de collecte, qu’elle interagit directement avec le tableau en question. Qu’elle participe à ces décisions qu’évoque le titre de ce dernier album de Frustration (post-punk vénère, conscient, expérimenté) et que l’humanité prend donc chaque jour. Ces décisions qui conduisent, grosso modo, au désastre que l’on connaît. « Path of Extinction », le morceau qui ouvre le disque, ouvre parfaitement les débats.
Demain ?
Frustration voulait dire, avec ce nouvel album évidemment sorti chez Born Bad Records — les membres du groupe sont pieds et poids liés au label français qui sort aussi les disques de Vox Low, Gwendoline, Usé, La Femme ou Villejuif Underground — l’état d’un monde en déliquescence, la catastrophe écologique, la disparition des espèces animales. C’est bien sûr Baldo, le peintre français qui accompagne le groupe depuis ses débuts, qui s’est occupé de la pochette, lui qui troque, une fois n’est pas coutume, ses tableaux de prolo exploités par le grand capital contre une autre forme d’exploitation, de la planète elle-même en l’occurrence.
À Libération, il témoigne : « Cette fois, ils [Frustration] voulaient un paysage que je ne voulais pas peindre et ils ont fini par aimer l’idée de la décharge. Ils refusaient les machines, mais j’ai réussi à leur faire entendre que, sans bulldozer, ce serait une image trop pauvre et statique. C’est une peinture que j’ai réalisée spécialement pour cet album. »
Frustration (Facebook / Bandcamp / Instagram)
Baldo (Site officiel)
Frustration, Our decisions, Born Bad Records, 2024, 38 min., pochette de Baldo.