Top 20 des pochettes les plus marquantes de l’année 2021


Kendrick Lamar en 2015, Club Cheval en 2016, Lomepal en 2017, Deena Abdelwahed en 2018, Kristin Anna en 2019, Kalash Criminel en 2020… et en 2021 ? Comme tous les ans, Néoprisme vous dévoile son classement des vingt pochettes les plus marquantes de l’année.

20. Sopoorific – Auras Around Humans — Grande Rousse disques

Dans l’univers de Sopoorific, il faut pénétrer lentement. Sur la pointe des pieds pour ne pas avertir qui que ce soit, pour ne pas risquer d’attirer l’attention ici, pour ne pas faire venir le danger d’ailleurs. Car dans l’univers façonné par Alison Flora, qui prend le nom de Sopoorific lorsqu’elle façonne cette musique ambient, cold wave, new age, il y a ce visage qui guette. Ce visage qui effraie et qu’il suggère ce à quoi on préfère ne pas penser.

19. FOUDRE! x Faye Formisano — Future Sabbath — NAHAL Recordings

Pour illustrer le tourbillon psychédélique, drone, noise, ambiant généré par ce Future Sabbath, FOUDRE!, et après avoir vu sa musique associée aux chimigrammes de Fanny Béguély, s’est tourné cette année vers le travail de Faye Formisano, artiste visuelle et cinéaste française justement autrice d’une œuvre, elle aussi, intensément mystique, extatique, transcendée.

18. Honne x Daisy King – Let’s just say the world ended a week from now, what would you do ? — Atlantic / Tatemae Recordings

Ainsi, avant que le monde ne s’éteigne, chez Honne, il y aura de la tendresse. Le genre qui réconforte, qui soulage, qui laisse la perspective de l’apocalypse s’enrober d’un manteau de chaleur humaine. Le groupe parle, avec une simplicité qui ne fait pas de mal, de “l’importance de garder ceux que vous aimez près de vous” et de la nécessité que ces personnes sachent “qu’elles sont aimées”. Un peu de guimauve dans un monde de lave.

Honne x Daisy King – Let’s just say the world ended a week from now, what would you do ? (2021)

17. Il est Vilaine x Apollo Thomas — Les mystères de Lorient — Dialect Recordings

L’album Les mystères de Lorient, projet singulier mené par deux Bretons basés à Paris amoureux de leur région et adeptes du second-degré, raconte un fantasme et un délire qui se résument en ces quelques mots : Il est Vilaine (pour le département d’Ille-et-Vilaine, celui de Rennes, de Vitré ou de Saint-Malo), « un road trip de Lorient à L’Orient « . Et c’est Apollo Thomas qui fut sollicité pour réaliser la pochette de ce premier album, un illustrateur, réalisateur, selector, qui propose parfois pour La Station quelques mixtapes (Paris XVIIIe, Porte d’Aubervilliers) « à voir comme des bandes sons imaginaires« .

16. Mykki Blanco x Anna Degnbol – Broken Hearts & Beauty Sleep — Transgressive Records

Cheveux courts, cheveux longs, lèvres charnues, cils bien dessinés, mains aux ongles rouges ou protégées par une paire de gants en cuir, ces deux personnages qui se regardent marquent l’œil extérieur car leur ressemblance est flagrante. Ils se ressemblent et se distinguent, ils sont comme les reflets d’un même miroir qui aura légèrement déformé, au passage, la représentation de l’un pour venir forger la représentation de l’autre. L’un des visuels LGBTQ2S+ de l’année.

15. Irène Drésel x Emmanuel Picq — Kinky Dogma — Room Records

Une multitude d’Irène Drésel ouvre la voix vers un horizon qui ne semble pas avoir de fin. C’est une productrice française de musique techno qui chante sur ses propres boucles et qui dit, comme dans le film Midsommar d’Ari Aster qu’elle cite comme référence (une communauté hippie en Suède devenue une dangereuse secte), « soyez les bienvenus ». Il n’y a pas de porte mais c’est ouvert. On entre.

14. Jon Mueller x Niki Feijen — Family Secret — Warm Camera Grumpy Publishing (SESAC)

La culture populaire, on le sait, a associé aux greniers laissés à l’abandon la figure d’une certaine forme d’angoisse. C’est donc exactement ce que l’on ressent en se plongeant dans la pochette de cet album de Jon Mueller, de l’angoisse, et une volonté de s’en échapper au plus vite, de cette pièce suspendue particulièrement lugubre qui ne présente, en soit, rien de bien inquiétant, mais qui est victime de ces préjugés collectifs qui ont la peau dure et qui, de génération en génération, se transmettent.

13. Laura Cahen x Jeremy Soma – Une fille — [PIAS] Le Label

Une fille. Deux silhouettes. Un visage visible, celui de Laura Cahen, l’autrice de cet album qui s’accorde au singulier, mais parlera aux plurielles qui voudront bien, pourquoi pas, s’y reconnaître. Un autre qui ne l’est pas, celui de Charlotte, petite amie de Laura dont on ne voit pas ici le visage, mais cela n’importe pas. “J’ai proposé à Charlotte, ma petite amie, de poser avec moi, notre rencontre est à l’origine de beaucoup de chansons”, nous dit Laura qui a pensé cet album comme un manifeste, “une affirmation d’elle-même, sans détours, de sa personnalité artistique comme de sa sexualité.”

12. Goat Girl x Toby & Evans-Jesra — On All Fours — Rough Trade Records / Beggars Music

Quatre cerveaux (ceux des quatre compositeurs de Goat Girl) et une armée d’idées, bizarres et délurées, qui en sortent, et qui forment en se cumulant un petit monde en soi, peuplé de formes et de couleurs variantes, monstruosités que l’on jurerait extraites du fin fond des Enfers (parmi toutes ces formes, des boucs et des personnages à cornes le rappellent directement, cet Enfer vu par les Chrétiens, du Moyen Âge surtout). Voilà, ce sont les bas-fonds du monde physique et spirituel ou alors, c’est le genre d’arc-en-ciel qui se compose lorsque l’on permet à des esprits aussi complexes d’exprimer leur créativité bizarre au sein d’un seul et même écrin.

11. A Strange Wedding x Victoria Audouard — Black Magic Rituals — Worst Records

« L’idée derrière cette pochette était de faire transparaître la dimension rituelle, psychédélique et introspective présente dans ma musique« , dit Adrien van de Velde, le producteur derrière le pseudo A Strange Wedding (« un mariage étrange« , si l’on traduit), qui avait aussi pour ambition de témoigner, avec cette image, de « la dimension de paysage sonore » du disque. Des danseuses, des formes indécises… et une belle réussite.

10. Requin Chagrin x Guy Billout — Bye bye baby — Sony Music

« Cette pochette, dit Requin Chagrin, fait écho à ce que je voulais véhiculer dans ce nom d’album, le fait de tourner la page, s’en aller vers de nouveaux horizons et pourquoi pas, en faisant un road trip à bord d’une belle voiture américaine« . Prendre la route afin d’en trouver une autre. Bel horizon, belle perspective, belle manière de fuir, pour ce Requin-là, les angoisses véhiculées par le monde moderne et ses refrains, parfois, remplis de chagrins. L’illustration est signée Guy Billout et donne, effectivement, des envies de regarder l’ici avant de s’en aller vagabonder ailleurs.

Requin Chagrin x Guy Billout — Bye Bye Baby

9. Altın Gün x Anne Caesar – Yol — Glitterbeat Records

Pour ce troisième album d’Altın Gün, Anne Caesar poursuit le travail mené par Floor van het Nederend et par Marina Tadic, et évoque une nouvelle fois, avec cet artwork, les paysages d’une Turquie fantasmagorique… et vue à travers le prisme d’un enfant qui, plutôt que le regarder avec les yeux du vrai, aurait plutôt fait le choix de le regarder avec ceux du rêve.

8. OrelSan x Rægular x Alice Moitié – Civilisation — Wagram Music / 3ème Bureau / 7th Magnitude

Pour les besoins de son nouvel album, OrelSan a fait appel au designeur français Rægular (vu avec Nekfeu, avec Alpha Wann et surtout avec Lomepal) afin de fabriquer “le drapeau imaginaire d’un monde post-apocalyptique, d’une micro-nation”. Présent un peu partout dans son univers visuel – dans le merchandising, sur les visuels de tournée ou même sur le blouson que porte le rappeur dans le clip de “L’odeur de l’essence” –. L’étendard d’une Civilisation que l’on s’évertue à défigurer… et qu’il faudra bien, à un moment ou à un autre, rebâtir.

OrelSan x Rægular x Alice Moitié – Civilisation

7. Good Morning TV x Yann Stofer — Small Talk — Géographie

« Le coup de cœur a été immédiat et unanime. On a absolument tout aimé dans cette photo, la dynamique, la prise de vue débullée, l’humour du sujet, les teintes saturées… « , disent les Good Morning TV à propos de cette photo d’un ancien membre d’Adam Kesher devenu photographe indépendant façon Martin Parr à la française… Yann Stofer, ou l’importance de l’angle via lequel on veut bien percevoir une image.

Good Morning TV x Yann Stofer — Small Talk

6. BICEP x Studio Degrau — Isles — Ninja Tunes

Nous nous souviendrons longtemps de ce moment où nous avons observé des gens danser autour de nous, et qui finissaient presque par flotter tellement ils dansaient“, disent les membres du Studio Degrau, qui ont designé la pochette du duo nord-irlandais BICEP. “Il était logique pour nous d’essayer de capturer cette idée, de dépeindre les sentiments et les gestes des gens pendant qu’ils écoutaient BICEP.” Les producteurs et les designers définissent alors ensemble une manière de formaliser ce concept, et d’“éterniser les moments cathartiques en sculptures monumentales.” C’est alors que l’image, elle-même, s’est mise à danser.

5. James Blake x Miles Johnston – Friends That Break Your Heart — Polydor / A Republic Records

L’âme à fleur de peau, une fois encore, pour James ? Le chanteur à la voix d’or est accompagné sur ce projet par l’artiste l’illustrateur, peintre et dessinateur britannique Miles Johnston, un artiste dont les paroles, relayées ici par Beware Magazine, paraissent résumer à merveille son propos global : « Les distorsions et transformations que mes sujets subissent servent à représenter l’expérience de notre état interne à des moments cruciaux de notre vie. Au lieu de me concentrer sur des représentations littérales du monde, je dépeins les qualités surréalistes et abstraites de notre subjectivité dans le but de créer des œuvres avec une résonance émotionnelle profonde. » Faits pour se rencontrer, James et Miles ?

4. La Femme x Polygon – Paradigmes — Disque Pointu

Après cinq ans d’absence, le groupe La Femme refait surface avec une pochette toujours aussi énigmatique, à l’aspect robotique. Derrière cette œuvre, l’artiste français Polygon qui pratique un art visuel appelé « Glitch ».  Bienvenue dans la matrice, bienvenue chez La Femme qui, décidément et après ses collaborations passées avec Elzo Durt et avec Tanino Liberatore, excelle dans l’art de s’entourer d’artistes capables de surélever l’image d’une pop déjà hautement perchée et hautement audacieuse.

Polygon x La Femme – Paradigmes

3. Gaspar Claus x Lucie Rimey Meille – Tancade — InFiné Music

Des amis dénudés sur une plage adorée pour mettre en image un premier album solo, nommé Tancade. Gaspar Claus fait le choix de la source primale dont jaillit tout le reste, du socle solide sur lequel repose les fondations, des bains de soleil qui ont pu faire venir les percées de lumière. « C’est un endroit hors champs, qui ressemble à ceux qui l’occupent, une de ces places dont l’existence apaise, ne serait-ce qu’en y pensant lorsqu’on en est loin.”, résume-t-il joliment. Et nous, on s’apaise avec lui.


2. Lil Nas X x Charlotte Rutherford – Montero — Columbia

Nous voilà projeté dans un Éden revisité, où la figure nue planant au milieu de la pochette (est-ce Adam ou Eve ? Peu importe) n’aurait pas de genre défini et flotterait tranquillement dans une bulle aux couleurs du drapeau de la pride. La pochette de l’album de Lil Nas X prône la liberté absolue et dit la (re)naissance de celui qui ne finit plus d’interroger les normes, les identités, les nouvelles manières de s’émanciper. Un succès et une pochette immensément importants au sein des États-Unis post Donald Trump.

Lil Nas X – Montero

1. Jerusalem in my Heart x Myriam Boulos – Qalaq — Constellation Records

Pour illustrer Qalaq, nouvel album de Jerusalem in my Heart qui plonge dans une ville de Beyrouth frappée de plein fouet par la crise, Radwan Ghazi Moumneh a sollicité Myriam Boulos, une photographe libanaise qui a aussi pu illustrer le dernier album en date de Suuns. Cernées par les flammes, trois femmes y figurent masquées, et en train de participer à une manifestation forcément périlleuse. « Cette image, pour moi, représente une colère que tout le monde arabe a enfouie au plus profond de lui. Une colère qui n’est jamais autorisée à se manifester. Une colère qui naît d’une oppression à tous les niveaux, qu’ils soient religieux, colonial, politique, patriarcal ou social. C’est un cycle sans fin qui laisse très peu de place à l’espoir. Mais… je reste, comme toujours et malgré tout, plein d’espoir… « , dit Radwan à propos de cette image immensément symbolique et effroyablement intense.

Jerusalem in my Heart x Myriam Boulos – Qalaq