Kids Return x Apollo Thomas — Forever Melodies


Une œuvre qui serait directement inspirée par le sentiment amoureux ? Question sérieuse ? Elles le sont toutes, ou la plupart, la base absolue de toute création est ici. Une œuvre dictée par le deuil — d’un amour justement, de la jeunesse qui se barre, d’un proche ? La musique comme thérapie, comme manière de se soigner ? Des exemples par centaines, là aussi. Ouvrez un livre, écoutez un disque, regardez un film, filez voir une expo. Les points d’eaux, le plus souvent, proviennent des mêmes sources.

Parce que c’était lui parce que c’était moi

Et un projet avant tout dicté par l’amitié que partagent l’un pour l’autre deux garçons ? Eh bien, bon courage ! Montaigne, La Boétie, « Parce que c’était lui, parce que c’était moi », oui. Et ensuite ? Pas grand-chose ? Non, l’amitié, et pour une fois, semble-t-il, de tout temps, ce n’est pas le sujet qui inspire, sur lequel on s’épanche, sur lequel on radote et où l’on verse des larmes brûlantes lorsque l’affaire ne se passe pas comme on l’aurait souhaité. Des amis, on en retrouve, et puis voilà. Fin de l’histoire ?

L’amitié, vous voyez l’affaire venir, c’est pourtant le sujet principal du projet Kids Return, celui qui, depuis l’adolescence, lie entre eux les deux jeunes musiciens Adrien Rozé et Clément Savoye. À 13 ans, à Paris, les deux garçons se rencontrent. C’est lui, c’est moi, coup de foudre.

Plus tard, quand il sera tant de mener ensemble un projet musical de grande envergure (une pop progressive autant inspirée par les bandes sons de Morricone que par Beatles, Beach Boys and co, jusqu’à MGMT ou Air), c’est avant tout cette histoire, simple comme bonjour veux-tu devenir mon ami, qu’il faudra souligner, mettre en avant. Le storytelling est tout trouvé, ne reste plus qu’à l’élaborer. Les communiqués de presse qui accompagnent le projet s’empressent de le dire : « Kids Return, c’est d’abord une grande histoire d’amitié depuis l’enfance entre Adrien Rozé et Clément Savoye. » On commence comme ça.

Teen Spirit

Et on poursuit : « Le projet du duo français nous parle de la profondeur que contient la fausse naïveté de l’enfance, et de la puissance évocatrice de la nostalgie lorsqu’elle rend floue la frontière entre joie et tristesse ». Vous voulez fuir le souvenir même de votre adolescence ? Les Kids Return, eux, tendent à la magnifier, à l’interroger, à la raconter. Une mode, décidément, lorsque l’on songe au succès colossal de la série à succès Stranger Things sur Netflix dans laquelle les héros sont des ados.

Stranger Things (saison 1)

Kids Return, on y revient. On nous rappelle aussi, dans ces prises de parole qui viennent bien de quelque part, l’existence de ce film du réalisateur japonais Takeshi Kitano qui, au moment de sa sortie en 1996, s’appelait justement Kids return, un film mettant en scène deux garçons, Masaru et Shinji dont l’amitié, pourtant solide, se trouve mise à mal par une histoire d’école buissonnière, de boxe, de Yakuza. Le nom du projet vient de là. L’identité visuelle du projet s’en inspirera.

On avait déjà parlé du travail d’Apollo Thomas sur ces pages par le biais d’Il est Vilaine, duo dont le « road trip de Lorient à L’Orient » avait été accompagné par le travail de cet illustrateur amateur de culture nippone, de mangas et de ses déclinaisons. Apollo Thomas, le revoilà.

« Pour leur premier album, Clément et Adrien de Kids Return m’ont demandé de créer un artwork qui transmettrait l’émotion que l’on peut ressentir quand on grandit, ce moment charnière entre l’enfance et l’âge adulte », confirme-t-il. Bingo.

L’illustrateur se charge des pochettes des singles (est-ce la même route que l’on retrouve sur la pochette des Mystères de Lorient et sur celle du single « Melody » ?), puis enchaîne sur l’album. « Ça a été très intéressant pour moi de partir des pochettes des singles, et de s’inspirer de certains éléments qui y étaient intégrés. »

Le vélo de « Melody », ainsi, se retrouve sur la pochette de Forever Melodies, cet album paru ces jours-ci sur le label Ekler’o’shock. Et les montagnes dans le fonds, sont-ce les « Orange Mountains » de la pochette qui accompagne le single ? On va le croire. Les vidéos, absolument réussies, sont, elles, réalisées par Tara-Jay Bangalter.

Apollo Thomas, lui, voit son travail sur ce projet comme une rencontre entre le film de Kitano, ceux des studios Ghibli, et « cette petite touche des premiers Pokémon ». Le tout pour aboutir à « un visuel plus minimaliste, plus direct et romantique ». En écho à l’affiche du film de Kitano sur lequel, tout est lié, c’est un vélo qui lie entre eux les deux protagonistes.

Takeshi Kitano - Kids return
Takeshi Kitano – Kids return

Kids Return (Instagram / Facebook / YouTube)

Apollo Thomas (Site officiel / Instagram)

Kids Return, Forever Melodies, 2022, Ekler’o’shock / Hamburger Records, 39 min., artwork d’Apollo Thomas