Vanessa Wagner x Laurent Baheux – [Inland]


La crinière rebelle et l’œil vivace, un cheval, sauvage et photographié dans les plaines d’Écosse, illustre [Inland] (sortie le vendredi 26 avril), l’album de Vanessa Wagner en solo au piano après une expérience, en duo, avec le producteur mexicain Murcof. Photographié par l’objectif du Français Laurent Baheux, fervent défenseur de la cause animale et humaniste évident, cette image-là, d’une intensité saisissante, raconte « la liberté, le mouvement, la sensualité, l’intimité, la vibration, ‘l’humanité’ de cet animal et sa proximité émotionnelle ». Elle s’est aussi imposée, pour Vanessa Wagner, comme une évidence.

À quel moment l’idée de travailler ensemble s’est elle imposée comme une évidence ? 

Vanessa Wagner : Après avoir fini le montage du disque, j’étais plongée dans son atmosphère très mélancolique et je cherchais une pochette qui parle d’elle-même de ce que j’avais en moi, comme émotion, qui soit aussi « connectée » au voyage musical du disque. Je souhaitais une image intime et forte. J’ai énormément cherché, regardé des illustrateurs, des peintres, je suis allée chercher du côté du féminin, de la lune, du sacré, ces imaginaires qui peuvent m’inspirer, mais je ne voulais surtout pas que la pochette puisse paraître new-age. Les pièces que je joue sont certes du courant minimal mais je voulais me tenir éloignée du côté « easy-listning », « peaceful piano », car il y a beaucoup de tensions  contenues dans cette musique.

Je travaille depuis quelques années avec la photo d’un lion au-dessus de mon piano, prise par Laurent Baheux. Photo que j’adore que mon mari m’a offerte, avec laquelle j’entretiens un rapport très fort et à laquelle je m’identifie volontiers. Un soir, cela m’est apparu comme une évidence, après avoir cherché dans mille directions.

« La captivité est une torture physique et mentale pour tout être vivant. Les animaux comme les hommes ». Voilà les mots que l’on trouve à la première connexion sur le site de Laurent Baheux. Vanessa, à quel moment as-tu décidé, visuellement parlant, de t’associer à ce combat-là ?

Vanessa Wagner : La pochette ne raconte pas un combat, elle raconte la liberté, le mouvement, la sensualité, l’intimité, la vibration, « l’humanité » de cet animal et sa proximité émotionnelle. 

Néanmoins, comme Laurent, je pense que nous sommes déconnectés du monde sauvage et animal qui a énormément à nous apprendre. Grâce à l’éthologie et aux travaux de quelques chercheurs, grâce aussi à quelques écrivains qui épousent ce sujet moral et éthique passionnant, nous réalisons tardivement et trop lentement à quel point nous nous comportons comme des destructeurs et surtout comme des ignorants orgueilleux. Nous avons asservi le monde animal et végétal à notre guise, pour notre confort, notre profit, notre amusement. Comme Laurent Baheux, je m’insurge contre les zoos, les cirques avec animaux, les expérimentations, les trafics, les abattoirs, la dissonance cognitive qui fait qu’on s’émeut de la maltraitante d’un chaton mais que des milliards d’animaux terrestres et marins sont massacrés chaque année dans l’indifférence générale, et je suis devenue vegan afin d’être cohérente avec mes convictions.

La beauté du monde nous échappe, nous devons retrouver un rapport empirique, emphatique, émotionnel à la nature et ses habitants.

Vanessa Wagner

En plus de la pochette, le disque en parle-t-il, de ce combat en faveur du respect de la cause animale ?

Vanessa Wagner : Non pas directement. Bien sûr, le fait qu’un cheval sauvage, libre, sublime, puissant, apparaisse sur mon disque n’est pas anodin. La beauté du monde nous échappe, nous devons retrouver un rapport empirique, emphatique, émotionnel à la nature et ses habitants. Nous allons payer très cher notre déconnexion à la Terre, nous le constatons déjà cruellement.

Quel lien trouver entre le titre de ce disque et cette photographie de Laurent ?

Vanessa Wagner : J’ai choisi le titre [Inland] car ce disque raconte des paysages intérieurs, la mélancolie, la contemplation, l’introspection. Mais ce [Inland] c’est aussi la nature, l’air, le mouvement, le silence, l’immensité. Cela raconte aussi ma propre recherche de liberté dans un métier assez contraignant. Cette photo dit tout cela, le sauvage et l’intime, le lointain et le très proche.

Je pense souvent à lui, je ne sais pas s’il vit encore, mais grâce à cette photo, il est éternel.

Vanessa Wagner

Pourquoi cette photo-là ?

Vanessa Wagner : J’avais au départ opté pour une photo de lion, prise de très près qui était cadrée sur l’oeil de l’animal. Forte et très énigmatique. Elle ne faisait pas l’unanimité chez Infiné. En parcourant différents albums de Laurent, je suis tombée sur celle de ce cheval sauvage photographié dans les plaines d’Islande, hyper graphique, avec ce noir et blanc granuleux et cette crinière rebelle. On a fait plusieurs essais mais on revenait toujours à celle-ci : c’était [Inland]. Je pense souvent à lui, je ne sais pas s’il vit encore, mais grâce à cette photo, il est éternel.

Le son

Au sein de l’un des labels (InFiné, désormais plus de dix ans d’existence) les plus exigeants  et ouverts d’esprits du territoire français (on passe de l’electronica technoïde de Rone à la folk électronique de Bachar Mar-Khalifé, ou de la techno contrariée de Deena Abdelwahed au maloya électronique de Labelle), Vanessa Wagner incarne la gamme minimale, et s’exprime avec l’aide d’un piano qu’elle avait mis au service, auparavant, des productions du Mexicain Murcof sur un album qui avait fait date. Au sein de ce disque captivant et capité, une suite composée par le leader de The National Bryce Dessner (« Ornament 3 »), une réécriture d’une œuvre de Moondog, l’Américain sans territoire d’expression fixe (« Fur Fritz »), une autre du minimal Philip Glass (« Etude n°9 »), et un album qui se projette, comme son nom l’indique, à l’intérieur de terres diverses et semblables à celles, larges et horizontales, que parcoure ce cheval sauvage, plein de couleurs malgré le noir et blanc de Laurent Baheux.

Vanessa Wagner (Site officiel / Facebook / Instagram / YouTube)

Laurent Baheux (Site officiel)

Vanessa Wagner, [Inland], 2019, InFiné, photo de Laurent Baheux