Dombrance x Olivier Laude — République électronique
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Un jour de 2018, alors qu’il triture un synthétiseur dans l’espoir d’en extraire quelque chose de cohérent, Dombrance croit entendre des voix. Ce n’est pas Dieu le Père lui-même qui lui aurait murmuré à l’oreille (interne) de “bouter les Anglais hors de France” (cela n’aurait eu, avouons-le, pas beaucoup de sens) mais son synthétiseur qui lui aurait soufflé, miracle ô combien inédit, le nom de François Fillon, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 qui, selon nos dernières informations, n’a toujours pas vraiment « rendu l’argent« .
Coalition
Habitué des dancefloors et des musiques électroniques qui mêlent techno, house, électro-pop (son projet DBFC, avec le Mancunien David Shaw, connaît alors un beau succès), Dombrance venait de trouver l’axe qui allait thématiser sa musique sur les quatre prochaines années : s’amuser avec les noms des plus fameux politiques d’ici (“Taubira”, “Giscard d’Estaing”, “Poutou”), mais aussi d’ailleurs (un tour aux États-Unis avait donné naissance aux titres “Obama”, “Trump”, “Biden” ou même “Kanye West”), et mettre sur pistes ceux qui, lassés des urnes, y aurait préféré les dancefloors.
Mais le succès qui, ces dernières années, a accompagné le producteur et DJ bordelais, n’aurait sans doute pas eu le même impact sans le travail d’Olivier Laude, cet illustrateur qui, force de ceux qui savent imposer une patte visuelle évidente, s’occupe de l’imagerie de Dombrance depuis 2018. Entre l’homme du son et celui de l’image, tout avait été simple : un message sur Facebook, un café en studio, quelques “j’adore ton EP avec DBFC” et de “et moi tes illustrations à l’époque pour Brain Magazine” (ou pour Sciences et vie junior ?), et le tour était joué. “Tu t’y connais un peu en politique ?”. “Pas grand-chose… tant mieux ?”
Les consignes pour ce qui devait initialement être un “one shot” (Dombrance ne s’imaginait pas, initialement, pousser le délire des “politiques” aussi loin…), furent limpides. Pour Bertrand Lacombe (Dombrance), les images d’Olivier Laude devaient être minimalistes, dépourvues de textures et du moins de détails possibles. Elles devaient être très pop, aussi, à l’image de la musique que le producteur était en train de commencer à développer.
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Les premiers essais, rapidement, sont aussi convaincants qu’un ancien ministre aux allures soudainement cartoonesques, dont l’un — Raffarin — apparaît avec lunettes rondes sur le nez, marcel sur le corps et le visage hautain et l’autre — Taubira — comme la prêtresse d’une divinité axée toute entière vers la recherche du zen.
Transatlantique
Les seconds essais aussi. “Fillon” voit sa tête si grosse qu’elle semble sur le point d’éclater quand « Valéry Giscard d’Estaing », qui traîne alors la réputation de “plus ancien retraité de France” (son mandat à la présidence de la République s’était terminé en 1981…) sirote un cocktail avec lunettes de soleil posées sur la tête et parasol en arrière-plan. “Poutou”, lui, se fait lascif et particulièrement accueillant quand “Obama” parait sur le point, sur la pochette d’un single paru en 2019, de vaciller dans les limbes de ces fêtes qui s’éternisent jusqu’à plus soif (du tout).
Pour le premier album complet du producteur — République électronique, envisagé il y a quelques mois avec l’INA —, Dombrance imagine un visuel mettant en scène une chaîne de montage où l’ensemble des présidents de la Cinquième République se monteraient les uns les autres. Et tous, bien entendu, portent en eux un symbole là pour représenter leur mandat, leur personnalité, ce que l’on retient d’eux dans les images d’Épinal qui ont la peau dure et la mémoire un tout petit peu réductrice.
Fordisme
Un porte-avion à la place des épaulettes pour Charles De Gaulle. Georges Pompidou conçu comme le centre d’art contemporain auquel il a donné son nom. Valéry Giscard d’Estaing monté comme une centrale nucléaire (ou comme le C-3PO de Star Wars). François Mitterrand façon Robocop (les années 80…) avec son écharpe rouge de socialiste et les quatre tours de la Bibliothèque nationale de France qui l’entourent. Jacques Chirac qui garde une pomme dans une poche… et une canette de Corona dans une autre ! Nicolas Sarkozy — qui fut aussi ministre de l’Intérieur sous Chirac — en robot CRS premier flic de France (les tuyaux de sa carcasse sont les flashballs qui tabassent). François Hollande flasque comme un Flanby et Emmanuel Macron, le “président jupitérien” par excellence, avec sa couronne de lauriers sur la tête, qui détient la clé du pouvoir.
Une pochette à montrer à vos bambins pour qu’ils retiennent plus facilement l’histoire de la République et une pochette, surtout, qui a été faite après l’élection qui a remis au pouvoir le président Macron pour cinq années de plus. Heureusement qu’on se tape Macron, et pas Le Pen ? “Oui, car en plus, ma pochette aurait été obsolète !”, avoue Olivier Laude, pas mécontent de ne pas avoir eu besoin d’envisager un robot avec drapeau tricolore tatoué sur le corps et flambeau rougeoyant porté à bout de bras…
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Olivier Laude (Instagram / TumblR)
Dombrance, République électronique, 2022, Echo Orange, 37 min., artwork d’Olivier Laude