Astéréotypie x Olivier Verbrugghe — Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme


« Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme… La vie réelle est agaçante ! ». « J’adore 20€ avec ses jolis reflets de lumière / Ce joli filigrane qu’elle a / Oui ! Eh oui je suis tombé amoureux d’elle ». « Mon chat a 44 ans / Une fois au supermarché j’ai acheté un thon pour 12 personnes / Il y avait 40 kg de cocaïne cachés dedans ». Etc. Etc.

La vie réelle est (souvent) agaçante

Comment rester de glace, ne pas hurler au génie, à la joie et à l’audace, devant des textes qui diffusent, avec la rage d’un forcené libéré d’un cachot où il aurait végété pendant des décennies, une telle liberté ? La morale s’est barrée et les repaires avec, les guitares sont saturées et les textes émancipés. C’est dada, surréaliste, beatnik, mais ça ne s’appelle pas comme ça. Eux parlent de B R U T ‘ N ‘ R O L L mais vous êtes autorisés à parler d’autre chose. C’est un groupe d’artistes atypiques, initialement pensé comme un atelier d’écriture en institut médico-éducatif (IME) pour des personnes atteintes d’autisme, qui pensent, se comportent et créent autrement. C’est plus punk qu’un jean troué, qu’une coupe de cheveux dressé droit sur la tête ou qu’un slogan vaguement anti-système gravé à la bougie sur les vitres du RER. Un parcours que racontait avec talent cette année le documentaire de Laetitia Møller L’énergie positive des Dieux, présenté à l’édition 2022 du FAME Festival.

Dans Astéréotypie, certains écrivent, scandent, déclinent des textes bizarres, dézingués, réparés. Ce sont Claire Ottaway, Yohann Goetzmann, Stanislas Carmont et Aurelien Lobjoit. Les autres (Félix Giubergia, Christophe L’Huillier et Arthur B. Gillette et Eric Tafani du groupe Moriarty) jouent une musique qui vogue nerveusement et aléatoirement entre post-punk et slam-rock. À la base, c’est surtout de l’impro, et des cadavres exquis qui forment un être superbement cohérent à force de se faire excessivement incohérent.

Slam Club

Le groupe chante le love pour les billets de 20 balles (et encore plus pour sa grand-mère de 200€), préférait ne rien faire plutôt que de faire, ne connaît personne ressemblant, de près ou de loin, à Brad Pitt du côté de Valence, de Montélimar, de Nyons, et plus généralement dans la Drôme. Et c’est de ce dernier constat, sans doute basé sur une étude de terrain particulièrement solide et qui a donné son nom au disque — Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, donc — qu’est aussi parti l’illustrateur Olivier Verbrugghe pour la conception d’une identité visuelle, elle aussi, particulièrement atypique. On y retrouve donc l’acteur de Fight Club, de Seven, de Snatch, de Babel ou de Tree of Life (est-ce bien vraiment lui ?) façon vignettes Panini, ces petites images fétiches à coller dans des carnets conçus à cet effet qui ont ruiné le porte-monnaie des parents et le temps libre des enfants durant les années 90, 2000, et peut-être même au-delà. 

Derrière Brad — ou cette personne ressemblant vaguement à Brad, bref —, évidemment, et afin de rester, pour une fois chez Astéréotypie, absolument littéral, Olivier Verbrugghe a inséré une carte de la Drôme, focus, ici, sur la forêt domaniale du Val-de-Drôme et ses environs (nos régions ont du talent et beaucoup de beaux endroits à vous faire découvrir). Puis à l’intérieur du disque, les mêmes vignettes, mais avec les membres du groupe, ce qui représente, en soi, une certaine forme d’aboutissement. 

La vie réelle vous agace ? Retournez-la. Et faites-en quelque chose qui ne ressemble à rien d’autre, et surtout pas à Brad Pitt.

Astéréotypie (Facebook / Instagram / YouTube / Bandcamp)

Astéréotypie, Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, 2022, La Belle Brute / Air Rytmo, 38 min., artwork d’Olivier Verbrugghe