Bottler x Paulin Rogues — Journey Work


Bottler x Paulin Rogues — Journey Work

Des formes, ensemble, se sont entremêlées, sont devenues un seul tout, ont pris d’assaut la logique pour la recouvrir d’incertitudes. Il y a un corps recroquevillé sur lui-même, en fœtus, agrippé par des mains qui semblent toutes êtres les siennes, bien qu’on en décompte une douzaine sur cette image… Une malformation physique immensément singulière qui doit surtout être comprise comme une métaphore bien peu optimiste de ce que peut être, lorsque tout ne se passe pas pour le mieux, a Journey Work, titre énigmatique dont on peut lire qu’il “évoque à la fois une thérapie basée sur l’ouverture de soi, les différentes étapes de développement personnel, les cycles de la vie, avec ses hauts et ses bas, ou la préparation spirituelle à l’expérience psychédélique”. Tout un programme, tout un tas d’angoisses à mettre dans le bon sens avant de les envoyer valdinguer loin d’ici et donc ailleurs.

Bottler

Peut-être un câlin, peut-être une bagarre.

Paulin Rogues

Peut-être un câlin, peut-être une bagarre”, résume pour sa part et plus frontalement l’illustrateur Paulin Rogues pour parler de cette création devenue la pochette de Journey Work, premier album de Bottler, duo new-yorkais qui mêle pop, musiques électroniques (de la techno à la house), ambiances électriques et cheminements introspectifs.

L’album parle de découverte de soi, à la fois personnelle et créative. Ce processus est souvent à la fois une lutte interne et une célébration”, précise le duo, quasi fraternel puisque Pat & Phil se connaissent depuis tous petits et composent de la musique ensemble depuis tous jeunes.

C’est ce dernier aspect — le questionnement profondément introspectif qui mène à la création — qui a, d’abord, orienté le travail de Paulin Rogues dans son travail sur cet album sorti sur le label InFiné Music. “Je voulais exprimer cette énergie folle qu’ils ont en eux, qui résulte d’un long processus de réflexion”, nous dit-il. “L’idée était donc de matérialiser cette sensibilité, composée de beaucoup d’intériorisation, qui a pour but de faire éclore une œuvre aux multiples dimensions.” On intériorise, on tergiverse, on remet en perspective les actes et ce qui en a résulté. Et à l’intérieur, lorsque tout s’emmêle avec l’espoir de se remettre dans le bon ordre, on semble se démultiplier.

Énergies

Et puis, ce travail, follement réussi, car follement bizarre, a fait des émules. Il ajoute : “Une fois que le concept de ce personnage aux multiples membres s’était dessiné, je me suis dit qu’il pourrait être intéressant de le faire vivre dans d’autres positions, de façon plus ou moins expansive. Faire vivre ce corps pluriel dans différents environnements, et dans différentes poses et textures pour symboliser des énergies créatrices différentes”.

Énergies différentes, sensibilités différentes… et donc multiples anomalies physiques pour cette hydre chez qui les têtes auraient été remplacées par des mains, et dont la création est à considérer dans celle, plus large, de l’œuvre d’un illustrateur qui les accumule, ces créations dans lesquelles la sexualité joue un rôle capital, où les corps se mélangent jusqu’à se confondre les uns avec les autres, où l’on ne sait plus très bien où donner de la tête, car il n’y en a pour ainsi dire souvent plus clairement, de tête.

C’est très cul, très dérangé, plein d’audace et de malice, ce travail de Paulin Rogues, que Bottler a découvert en 2016 avec le film Postiche, ce conte initiatique sans pantalon, mais avec un second-degré et un humour d’un cynisme lunaire qui a poussé, quelques années plus tard, le duo new-yorkais à solliciter le Français.

Je me souviens d’avoir trouvé la vidéo alors que je terminais un dernier semestre universitaire long et tergiversé (j’avais abandonné des années auparavant avec seulement quelques crédits). Quelque chose dans l’aventure existentielle mal traduite a vraiment résonné en moi à ce moment de ma vie. Je voulais être n’importe où, sauf là où j’étais, à la fois métaphoriquement et littéralement parlant, et j’avais envie de naviguer à travers l’univers dans un radeau de sauvetage avec mes amis le lémurien et le beau gosse. C’était aussi juste au moment où j’écrivais les premières chansons de Bottler, donc son travail a toujours été dans mon esprit comme toile de fond des débuts du groupe.

Bottler (Site officiel / Instagram / Facebook / YouTube / Bandcamp)

Bottler, Journey Work, InFiné Music, 45 min., artwork de Paulin Rogues. Bottler et en concert au POPUP! le mercredi 18 mai. Réservez vos places.