“Ce n’est pas un alter ego, mais un nom de scène qui me permet d’exprimer toutes les facettes de ma personnalité. Mykki Blanco à la fois homme et femme, noir, juif et homosexuel”. Née dans le comté d’Orange en Californie, Michael Quattlebaum est devenue la poétesse, activiste et rappeuse Mykki Blanco et incarne depuis une dizaine d’années un personnage nécessairement baroque, ultra engagé dans les causes LGBTQ2S+ et lui-même queer.

Multiples

Si le sujet a souvent été l’un des thèmes centraux de ses disques (il n’y a qu’à voir le titre de son premier EP sorti en 2012, Mykki Blanco and the Mutant Angels) et l’est encore aujourd’hui, Mykki n’avait pas encore signifié par le biais de la pochette de disque ce désir de dire : “je suis autre. Leave me alone”.

Le pas est franchis aujourd’hui avec la parution de l’album Broken Hearts & Beauty Sleep (“cœurs brisés et beauté endormie”), et avec ce visuel mettant en scène deux personnages qui s’enlacent et se regardent avec l’air de ceux qui disent “je suis très attiré par ce que tu es. Faisons immédiatement l’amour”. Un homme ? Une femme ? Bien malin celui qui parviendra à le dire et tout l’intérêt du visuel est là : ces deux personnages-là ne sont ni l’un, ni l’autre, ou peut-être plutôt sont-ils les deux à la fois.

Cheveux courts, cheveux longs, lèvres charnues, cils bien dessinés, mains aux ongles rouges ou protégées par une paire de gants en cuir, ces deux personnages qui se regardent marquent l’œil extérieur car leur ressemblance est flagrante. Ils se ressemblent et se distinguent, ils sont comme les reflets d’un même miroir qui aura légèrement déformé, au passage, la représentation de l’un pour venir forger la représentation de l’autre.

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Tout l’univers de Mykki Blanco est là, résumé dans cette image parfaite qui dit la complémentarité et l’altérité de deux mêmes parties de soi et la connexion idéale qui peut émerger de ces deux opposés. En arrière-plan se dessinent des fleurs qui s’ouvrent comme s’ouvre un corps devant la perspective de la sexualité consentie, un univers floral qui agit comme le papier peint d’un disque dessiné par Anna Degnbol, une artiste danoise qui représente, dans des dessins proposés à l’acrylique, des personnages (souvent des femmes) qui partagent avec Mykki cette volonté de se vêtir, de se comporter, de se présenter au monde sous le jour qui leur paraît le mieux adapté.

Le son

Produit par FaltyDL, Broken Hearts & Beauty Sleep est un recueil, non plus de poèmes comme jadis (les premiers pas artistiques de Mykki se firent par ce biais-là), mais de chansons d’amours qui parlent autant de sexualité libérée que d’amours de longues durées. Une longue relation, pour Mykki, s’est en effet achevée au moment où la chanteuse américaine a décidé de composer ce disque qui mêle hip-hop, house, R&B, funk, s’épanche sur la vivacité des sentiments amoureux (“Love me”), blâme le patriarcat spoliateur (“Patriarchy ain’t the end of me”) et s’offusque contre un partenaire ayant fait un usage malheureux d’un lait de soja qui ne lui était pas destiné (“Fuck your choices”).

 “C’était la guérison. C’est comme si Dieu avait fait entrer cet homme dans ma vie pour m’apprendre à mieux m’aimer.”, dit Mykki sur cette relation qui s’est achevée mais qui l’a fait muter en profondeur, et qui est sans doute à l’origine, après la sortie du très sombre album Highschool Never Ends, du bien plus lumineux (le plus souvent en tout cas) Broken Hearts & Beauty Sleep.

Mykki Blanco (Facebook / Twitter / Instagram / YouTube)

Anna Degnbol (Site officiel / Instagram)

Mykki Blanco, Broken Hearts & Beauty Sleep, 2021, Transgressive Records, 28 min., artwork d’Anna Degnbol