LOSSAPARDO — If I Were To Paint It


C’est un disque d’une sensibilité rare, gouverné par une voix aux nuances soul, portée par des productions flirtant avec le R&B, la bossa, le dubstep façon James Blake, Bon Iver, Chet Faker. Un disque qui parle de solitude existentielle, d’absences, d’une nostalgie qui peut aussi s’appeler spleen, de cette lumière qui, parfois, profite de l’absence des ombres pour sortir de sa tanière. Ce disque est celui de LOSSAPARDO, un peintre qui sait tenir le pinceau aussi bien que triturer les machines — il fut producteur avant d’être chanteur — et qui, depuis quelques années, a aussi décidé de pousser la chansonnette, de tenter d’exprimer qui il est, aussi, par le biais du R&B électronique façon thérapie cathartique. Un disque que LOSSPARDO a décidé d’illustrer lui-même, par le biais d’une peinture qui joue avec les ombres et dont Seydou — le prénom de cet artiste signé sur Roche Musique — nous décrit les enjeux.

Lossapardo © Rayan Nohra

Bonjour Seydou. Tu signes la pochette de cet album qui vient de paraître, If I Were To Paint It. Celles et ceux capables de composer et un disque et de l’illustrer dans le même temps sont assez peu nombreux. Comment faire les deux en gardant encore le recul nécessaire sur son travail ?

Le recul est une notion assez difficile à appréhender quand tu évolues sur les deux plans.  J’ai essayé de penser la cover en faisant la musique. Mais il a fallu que je finisse le squelette de l’album pour pouvoir l’illustrer. Justement, pendant un long moment, j’ai été trop pris par l’aspect sonique. C’était difficile de tout synthétiser dans un artwork sans avoir fini.

If I Were to Paint It. Comment est venu ce nom ?

Je voulais mettre des mots sur la sensation que je peux avoir à chaque nouvelle peinture, à chaque nouveau tableau. Comment je vais le peindre ? À quoi cela va ressembler ? Ce sera petit ? Grand ? Sombre ? Lumineux ? Coloré ? Je peux choisir chacun de ces paramètres et j’aime faire le parallèle avec les choix que l’on peut faire dans la vie en général.

L’analogie entre la peinture et la vie : dans cet album, je m’interroge énormément ; il était donc logique que cela prenne la forme d’une question. Si je devais le peindre…

Que dit-il de toi, ce nom d’album ? 

Beaucoup et peu en même temps : je le voulais comme une invitation à me découvrir, comme une amorce. La réponse au titre n’est pas forcément dans l’album, mais c’est en tout cas un chemin vers elle.

L’illustration, ce coup-ci, est-elle venue avant l’album ?

Comme souvent lorsque je mets de la musique en image, le son est déjà là avant. Lorsque je travaille sur les projets d’autres artistes, le son me guide vers l’image. Je n’ai pas dérogé à cette tradition pour mon propre album.

J’ai peint plusieurs versions avant d’arriver à celle que l’on peut voir aujourd’hui. Ça m’a pris du temps de réunir en une image les couleurs, les lumières, la composition, le sens qui correspondait le mieux à la musique que j’ai écrite et composée.

Tu as déjà proposé des pochettes pour d’autres, comme en 2020 pour Bachar Mar-Khalifé. Est-ce quelque chose que tu continues à faire ?

Ouin déjà parce que je prends plaisir à le faire. Mais aussi parce que j’apprends énormément en travaillant avec d’autres artistes. Chaque projet me nourrit humainement et artistiquement et me donne une autre approche sur la discipline. Je vois mon évolution à travers chacune des pochettes et je suis curieux de voir ce que l’avenir me réserve.

Quel lien, selon toi, entre ta peinture et ta musique ?

L’une nourrit l’autre mais, aujourd’hui, je ne saurais pas encore dire laquelle. J’aime voir la chose sous différentes formes, je peux raconter une histoire en profondeur grâce aux deux, elle sera d’autant plus riche.

Peux-tu nous parler de la pochette d’If I Were to Paint It, et de ces différents points de vue sur toi-même que tu proposes ?

Je voulais ce côté méta et vortex, une peinture dans une peinture, le peintre dans l’œuvre, et amener cette dimension immersive. Je peins des moments ressentis, et dans cette œuvre, je voulais que l’on soit dans cette pièce avec moi. Comme lorsque l’on écoute les onze titres de mon album.

Quelle place prend la peinture dans ta vie ?

C’est mon métier, un de mes moyens d’expression, ça a du sens à mes yeux. J’ai ce besoin de peindre ce que je vois, ce que je vis.

Maintenant que l’album est sorti, en même temps que cette peinture, qu’ils ne « t’appartiennent » plus, comme on dit, quel regard portes-tu sur cette association entre le nom de ce disque et le visuel qui l’illustre ?

C’est encore assez frais au moment où j’écris, je n’ai pas encore le fameux recul dont on parlait au début pour avoir un avis dessus. Je redécouvre mon travail à travers les yeux de chaque personne qui découvre ce projet et c’est un exercice particulier et très beau à vivre. J’essaye d’apaiser le côté perfectionniste en moi qui veut constamment retoucher l’œuvre car “ça ne m’appartient plus”.

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LOSSAPARDO, If I Were To Paint It, 2024, Roche Musique, 35 min.