Requin Chagrin x Guy Billout — Bye bye baby


Requin Chagrin x Guy Billout — Bye Bye Baby
Requin Chagrin x Guy Billout — Bye Bye Baby

Ce que l’on voit d’abord sur cette image, c’est une voiture. Immobile, garée façon cinéma drive-in américain. Aucun film, cependant, n’est projeté à l’écran et d’écran, il n’y en a pas au sens premier du terme : c’est bien la ville, qui s’endort ou bien s’éveille doucement, qui est contemplée. Les humeurs de la ville camouflent les étoiles qui devraient figurer dans le ciel alors, les étoiles, c’est dans les yeux qu’on se les invente.

On the road, again

Un passager. Peut-être plus. Marion Brunetto : « La voiture est là, un seul passager à bord, voire deux si l’on compte le reflet de la lune dans l’eau ». Chanteuse et guitariste du groupe Requin Chagrin, c’est elle qui est tombée, en se baladant sur le net, sur le travail de Guy Billout, illustrateur, peintre et caricaturiste français, auteur d’une œuvre pleine d’une ironie sans méchanceté, d’un crayon aéré, d’une poésie pleine de seconds-degrés. 

Au sein d’un flux qui laisse apparaître 1000 informations, 1000 coups de gueule, 1000 polémiques, 1000 notifications, 1000 images, est apparue soudain cette illustration, bien justement nommée Moon, dans laquelle Marion, qui lorsqu’elle compose, se lance dans le même temps à la recherche de « références visuelles pour [son] projet », identifie très vite un écho à ses propres créations. « J’ai d’abord été frappée par la beauté du trait, le choix des couleurs, la composition de l’image et le grain que je trouve magnifique. Très vite, je me suis rendue compte que cette image résonnait avec le titre de mon album Bye bye baby ».

Requin Chagtin © Andrea Montano

Drive

Quitter la ville, atterrir autre part, joindre l’autre rive à bord d’une bagnole dans laquelle on s’imagine très bien entendre du John Maus, du Beach House, du Cocteau Twins, du Molly Nilsson (ces groupes sont, pour Marion Brunetto, des références très assumées), ou bien même du Chromatics ou du Cliff Martinez, comme dans la bande son du film Drive de Nicolas Winding Refn, dont cette image, par ses couleurs autant que par ses thématiques, rappelle les ambiances de crépuscules pleins de spleen urbain propre au film qui a révélé l’acteur canadien Ryan Gosling.

« Ça a fait un écho à ce que je voulais véhiculer dans ce nom d’album, le fait de tourner la page, s’en aller vers de nouveaux horizons et pourquoi pas, en faisant un road trip à bord d’une belle voiture américaine. ». Prendre la route afin d’en trouver une autre. Bel horizon, belle perspective, belle manière de fuir, pour ce Requin-là, les angoisses véhiculées par le monde moderne et ses refrains, parfois, remplis de chagrins.

Le son

Quand on tourne le regard vers la Lune, forcément, les panoramas s’élargissent. Quelques années après Sémaphore, disque remarqué au sein de la très active petite scène indé pop française (le disque avait été poussé par le collectif dénicheur de merveilles La Souterraine), Requin Chagrin livre aujourd’hui un album composé durant le premier confinement, à une époque où les esprits étaient sans dessus, sans dessous, sans rien d’autre vers quoi se raccrocher qu’une profonde envie d’évasion mentale. Voilà le sujet de ce disque, l’évasion, une fuite que l’on mènera accompagnés de synthés et de pétales d’effets vintages, d’une voix lancinant, d’une esthétique qui oscille entre dream-pop, folk très synthétique et tubes de dancefloors sans ampoules aux plafonds. Bye bye tristesse.

Requin Chagrin (Facebook / Instagram / YouTube / Bandcamp)

Requin Chagrin, Bye bye baby, 2021, Sony Music, 39 min., artwork de Guy Billout