James Blake x Miles Johnston – Friends That Break Your Heart


Le visage flouté, incertain et doublé, comme s’ils étaient plusieurs esprits à occuper un même corps, pour la pochette de son premier album James Blake (2010). La silhouette au lointain, les mains dans les poches, l’âme en vagabondage et l’être isolé du monde pour la pochette d’Overgrown (2013) puis sur celle, trois ans plus tard, de The Colour in Anything (2016). La tête entre les mains et le regard inquiet sur Assume Form (2019). Le corps tout entier fracassé et fracturé comme s’il avait été ciselé par un esprit malveillant, enfin, sur cette pochette de Friends That Break Your Heart qui met en scène un ersatz remodelé de l’artiste dans un bois qui dit sans doute les dédales de la psyché interne où l’on se perd parfois.

Le cœur en miettes

Le Londonien James Blake, crooner au cœur sensible et au R&B teinté de musique électronique, de soul, de larmes abondantes, a toujours assumé l’aspect profondément cathartique, thérapeutique, médicinal de son art. C’est évidemment le cas dans sa musique, lacrymale à souhait, et également dans ses pochettes, où le Britannique ne laisse planer le moindre doute : la musique qu’il propose est celle d’un artiste plein de fêlures qui a trouvé, heureux en soit-il, un art via lequel tenter de les réparer.

Friends That Break Your Heart. C’est encore une fois le cas sur cet album dont le titre, en soi, offre déjà une piste de réflexion très claire, puisqu’il est traduisible, en français, par “Les amis qui vous brisent le cœur”… Les cœurs brisés peuvent-ils retrouver les morceaux qui les composaient jadis ? Allez savoir.

L’âme à fleur de peau, une fois encore, pour James ? Le chanteur à la voix d’or est accompagné sur ce projet par l’artiste l’illustrateur, peintre et dessinateur britannique Miles Johnston, un artiste dont les paroles, relayées ici par Beware Magazine, paraissent résumer à merveille son propos global : « Les distorsions et transformations que mes sujets subissent servent à représenter l’expérience de notre état interne à des moments cruciaux de notre vie. Au lieu de me concentrer sur des représentations littérales du monde, je dépeins les qualités surréalistes et abstraites de notre subjectivité dans le but de créer des œuvres avec une résonance émotionnelle profonde. » Faits pour se rencontrer, James et Miles ?

In the end, it was friends
It was friends who broke my heart

James Blake
James Blake x Miles Johnston – Friends That Break Your Heart
James Blake x Miles Johnston – Friends That Break Your Heart (détails)

L’un évoque les fêlures du cœur et l’autre, celle de l’esprit. Il en ressort ce visuel marquant aux couleurs curieusement lumineuses (ce n’est, chez James Blake comme chez Miles Johnston, pas du tout une habitude). Le regard du chanteur est fixe, et si le talent de Johnston n’était pas parvenu à immiscer dans ce dessin une puissance émotive formidable, on aurait presque pu penser que le corps qui se présente sous nos yeux n’était que le témoin d’une vitalité enfuie. James est au sol mais par miracle, James évoque encore et toujours un énorme élan de vie.

Les fêlures du Londonien sont bien visibles, on l’a dit. Et sur cette œuvre fascinante de Miles Johnston, elles laissent en suspens cette question : les cœurs brisés, eux aussi, laissent-ils passer à travers eux la lumière ?

James Blake (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / YouTube)

Miles Johnston (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram)

James Blake, Friends That Break Your Heart, 2021, Polydor / A Republic Records, 47 min.