Lomepal x Rægular — Mauvais ordre


Lomepal x Rægular — Mauvais ordre

Depuis le début de sa carrière, Lomepal a quelque chose avec les yeux. Ce sont ses mots qui l’affirment, comme dans le single « Yeux disent » (« recharge mes batteries, j’ai besoin de ton regard »), et les images, systématiquement proposées par Samuel Lamidey, aka Rægular, qui attestent cette obsession, peut-être bien inconsciente, pour les regards qui tuent, qui obsèdent, qui intriguent, disent tout et même « disent le contraire ».

Yeux disent le contraire

Dans la pochette choc de Flip (2017), portée par cette image signée par le Français Rægular (également aux côtés d’Alpha Wann, d’Orelsan, de Jazzy Bazz ou de Selman Faris) et devenue entre-temps l’une des plus marquantes de la décennie, les yeux avaient déjà leur importance, eux qui, maquillés, signifiaient une certaine forme de contestation d’un ordre établi, celui qui dit qu’au XXIe siècle et en Occident, les filles se maquillent et les garçons ne le font pas. Les robes pour les unes, les pantalons pour les uns : on avait en tête l’avant-gardiste « Comme ils disent » de Charles Aznavour (1972) alors que Lomepal, lui, songeait avant tout, et comme il nous le confiait sur Néoprisme, à la pochette de Love and the Beat de feu William Klein pour Serge Gainsbourg (1984).

Lomepal x Rægular - Flip
Lomepal x Rægular — Flip (2017)

L’artwork du single « Yeux disent », issu de Flip, se focalisait évidemment et exclusivement sur les yeux du rappeur, maquillés comme s’ils étaient plutôt les yeux d’un danseur qui, tard la nuit, interrogerait les valeurs des uns et le degré de tolérance des autres.

Lomepal x Rægular — Yeux disent (2017)

Puis ce fut le visuel de Jeannine (2019), un deuxième album pour lequel, en version vinyle notamment, le portrait de profil de Lomepal était complété par une paire d’yeux détachés du reste du visage.

Lomepal x Rægular — Jeannine (2019)

La composition de Rægular pour le rappeur est singulière : elle donne l’impression, comme dans le Dracula version Francis Ford Coppola (1992), qu’un regard guette depuis là où l’on ne peut le voir. C’est une question de télépathie, d’instinct, d’omniscience qui permet de tout capter, de tout comprendre, de tout voir.

Le regard des autres

Avec Mauvais ordre, ce sont les yeux, toujours, qui dominent le panorama. Mais pas cette fois ceux de Lomepal. Sur ses deux premiers albums, Antoine Valentinelli assumait en effet le caractère largement autobiographique, et donc thérapeutique, de sa musique.

Sur le troisième, il laisse davantage de place à la fiction, à l’exploration d’univers parallèles, loin de son microcosme à lui et du prisme à sens unique.

Lomepal © Manu Fauque

« J’ai peur de devenir l’image que je renvoie », confesse-t-il sur « Mauvais ordre », le morceau qui ouvre le disque et qui met « les bons mots dans le mauvais ordre ».

Alors et afin d’éviter le nombrilisme qui dévaste tout le reste, c’est l’image d’une autre qu’il a choisi, avec Rægular, d’afficher en grand. Façon The Truman Show, le film de Peter Weir qui mettait en scène, en 1998, Jim Carrey acteur inconscient de son propre show télévisé, c’est un immense portrait de sa copine que l’on nous propose avec, évidemment, un focus particulier proposé sur le regard, un « clin d’œil à des affiches de films où la femme est idéalisée, telle une divinité », lit-on dans un communiqué de presse.

The Truman Show de Peter Weir (1998)

Une divinité qu’il contemple, en tout petit, en bas d’une pochette dont il a donc volontairement décidé de se mettre en retrait. Comme pour mieux signifier, intuitivement, un changement de cap, et la volonté de ne plus se considérer comme le centre absolu de son propre univers ?

Lomepal (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / YouTube)

Rægular (Site officiel / Instagram / Twitter)

Lomepal, Mauvais ordre, 2022, Pinéale, 53 min., artwork par Rægular