LENPARROT x À Deux Doigts – Another Short Album About Love


Romain Lallement possède sans doute, grâce au crayon quadruplé du duo À Deux Doigts qui illustre son projet solo LENPARROT (Romain jouait jadis aux côtés d’autres groupes nantais, Rhum For Pauline et Pégase), l’une des identités visuelles les plus immédiatement identifiables de la pop française. Le noir et le blanc dominent le tout, mais dans ces visuels, c’est avant tout de la chaleur qui réside, une chaleur lancinante, sensuelle, belle et bizarre, parfois un peu glauque… à moins qu’il ne s’agisse d’une version déviante, là encore, du charnel.

Le noir, le blanc… et le bleuté

Avec Another Short Album About Love, son deuxième album, le chanteur et musicien nantais fait, bien sûr, de nouveau appel au duo formé d’Anne Chamberland et de Grégoire Canut (l’histoire que l’on raconte ici est l’histoire d’une belle collaboration artistique, mais aussi d’une belle amitié). Mais le noir et le blanc est, cette fois et pour l’artwork principal du disque, mis de côté au profil d’une proposition qui s’écarte doucement, pas trop loin mais tout de même (gestes barrières ?) des propositions d’hier. Le portrait cette fois, est plus frontal, et quelques nuances de gris (à moins qu’il ne s’agisse de nuances de bleu ?) viennent maquiller le dessin de lueurs que l’on n’avait pas vues, encore, associés aux disques de ce Nantais à la voix d’orfèvre.

Pour Néoprisme, Romain Lallement remonte le fil d’un temps qui, mine de rien et ici aussi, s’étiole et s’étire sans que l’on ne sache comment cela est possible (six ans séparent déjà cet album de ses premiers pas sous le nom de LENPARROT), et raconte ce portrait qui dit « Bonjour tristesse » ou peut-être plutôt « Bonjour pensées ».

LENPARROT x A Deux Doigts – Live @ Café Flesselles

« Ma première collaboration avec À Deux Doigts remonte à juillet 2014, une affiche pour notre concert au Café Flesselles. Je n’avais encore rien sorti, et cette première illustration était une sorte de point de départ vers l’artwork des Yeux en Cavale, premier single sorti quelques mois plus tard. Si j’ai pu travailler plusieurs années durant avec Elsa & Johanna à la vidéo, Anne et Grégoire sont les deux seules personnes présentes depuis les origines de cette aventure et encore présentes aujourd’hui. Ne me demandez pas comment ils ont fait, moi non plus je n’en reviens pas (rires) ! 

LENPARROT x À Deux Doigts – Affiche Chien Stupide

Plus sérieusement, s’est tissé tout un univers entre les premiers singles puis Aquoibonism (2015), Naufrage (2016) et enfin And Then He, mon premier album sorti en 2017. Ce disque constituait autant une première étape qu’un point d’orgue, la fin d’un chapitre débuté quelques années auparavant pour nous.

Plus encore, c’est The Boy with the String Quartet (2018), la relecture en acoustique de ce même disque accompagné d’un quatuor à cordes au Lieu Unique qui avait fait office d’épilogue. Tout ce qui avait été dessiné (au sens propre comme au figuré) venait se cristalliser dans cet artwork — probablement l’un de mes préférés (et immense tristesse de ne l’avoir sorti qu’en digital). 

Nous étions tous les trois d’accord sur le fait qu’une page se tournait, avec un souci d’éviter toute redite mais aussi au regard de l’esthétique embrassée sur ce deuxième album. Enrichir cette esthétique minimale en noir et blanc, y adjoindre des nuances de gris et de bleu ainsi qu’un jeu de perspective intérieur/extérieur. Rapidement, un arc narratif parcourait ces onze nouvelles chansons — formant une pérégrination nocturne, une ode à la nuit. 

Plus encore qu’avec And Then He, ce deuxième album avait été abreuvé de références picturales, photographiques et cinématographiques. Des photos de Léo Berne, Ryan McGinley, Maisie Cousins et Anders Petersen, des films de Jarmusch et Cassavetes, des livres de Brecht Evens, Nick Drnaso ou Adrian Tomine.

J’ai transmis à À Deux Doigts un moodboard complet, où chaque titre pouvait être relié à une photo, une illustration ou une scène de film précise. Le tout formant une constellation assez fidèle à placer au-dessus de ce disque, auprès de laquelle je les invitais à se référer. Je sais que cette injonction à ne pas se répéter fut parfois déstabilisante et contraignante, mais elle était nécessaire. Là où j’ai su qu’ils avaient réussi, c’est par la faculté que ces nouveaux artworks ont eu à me bousculer. De la même façon qu’avait pu produire leur tout premier. Ce n’était pas immédiat, spontané. Je les avais sortis de leur zone de confort et leurs dessins me le rendaient bien (rires). C’est un privilège de continuer à travailler à leurs côtés. ».

Le son

Cathartique et ultra mélancolique hier, la pop de LENPARROT a pris le temps, en plus de trois ans, de lentement muter, et de parvenir à proposer, avec ce second album, une version nettement moins assombrie d’elle-même. Romain Lallement y chante Freddy Mercury et les amours fantasmagoriques, et réinvente les vérités car c’est, après tout, à cela que sert parfois la musique pop.

À écouter cette fois, non plus recroquevillé dans le coin le plus sombre d’une chambre à coucher mais pourquoi pas, et cela est nouveau pour LENPARROT, un peu plus redressé, pas forcément sur une piste de danse car ce n’est pas le propos mais en tout cas avec suffisamment de forces sur le visage pour pouvoir afficher, sur les lèvres, un sourire qui dit que « ça va, tout va mieux ».

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LENPARROT, Another Short Album About Love, 2020, Jour Après Jour Après Jour / FUTUR, 34 min., artwork d’À Deux Doigts