Aidé par un quatuor à cordes et par des idées en profusion, Jérémy Labelle déplace sa belle île de La Réunion dans le cosmos, où le maloya qu’il développait hier (ou du “maloya électronique” plutôt, comme il le disait ailleurs) s’apparente plutôt à une rencontre de la musique minimaliste de Philip Glass et des musiques électroniques défendues par la maison-mère InFiné (Arandel, Rone, Aārp etc.). Mille idées ont jailli, elles ont éclaté et donnent ce tourbillon cosmique et haut perché illustré par le dessin d’un duo, Kid Kreol & Boogie, qui accompagne depuis longtemps le compositeur et musicien réunionnais dans ses créations sonores. Un créateur qui nous parle, et forcément avec Éclat, de ce visuel qui dit les rencontres qui se font parce qu’elles devaient, avant tout, se faire.

Il semblerait que l’ensemble des pochettes liées à la discographie de Labelle soient signé par Kid Kreol & Boogie. Peux-tu nous raconter comment a commencé votre collaboration ?

Labelle : Nous nous sommes rencontrés fin 2011 à La Réunion, chacun connaissait le travail des autres par les réseaux sociaux. Au moment de notre rencontre et dès nos premiers échanges, nous avons compris que nous avions une vision similaire de La Réunion et de la créolité.

Nous avons le même rapport au sacré, à l’ancestralité et à l’imaginaire créole. Il a été de même avec le poète Hasawa pour le fonkèr (la poésie créole).

À nous quatre, nous exprimons une vision propre de la création réunionnaise. C’est-à-dire une création qui s’inspire et manipule des matériaux ancestraux, spirituels, traditionnels et historiques dans un langage contemporain et universel.

Nous avons pensé à écrire un manifeste pour formaliser notre vision  commune.

Le moment où l’on doit décider de la manière dont on illustre un disque est toujours un moment délicat. Avais-tu, initialement, une idée de ce que tu voulais sur celui-ci ?

Labelle : Oui. Depuis le départ, je voulais quelque chose qui symbolise l’éclat d’un joyau dans le cosmos. Kid Kreol & Boogie ont travaillé dans ce sens sur de nombreuses esquisses pour élaborer le choix des quatre planètes, de l’astre lumineux central et des lianes cosmiques.

Avais-tu d’autres travaux visuels en tête en guise d’inspiration, qu’il s’agisse de pochettes ou d’autre chose ? 

Labelle : Les seuls autres travaux visuels qui m’inspirent sont la photo, le cinéma (je suis un grand fan de David Lynch) et la scénographie. Tout ce qui touche à penser/sentir l’espace (le rapport au vide, au grand espace naturel, aux cosmos) et la lumière (la capacité de modeler l’espace, et les formes).

Comment a-t-on fini par aboutir à ce travail de Kid Kreol & Boogie ?

Labelle : Il y a eu de nombreux échanges entre nous, des esquisses et des tests. Le processus pour ce disque a été particulièrement long, car l’album a été repoussé maintes et maintes fois depuis la fin 2020. 

Kid & Boogie ont dû arrêter et rependre plusieurs fois leur travail. Il y avait deux pistes possibles pour la création de l’image (partir du joyau ou partir de l’astre) et après avoir fait un grand tour de table auprès des personnes qui ont travaillé sur le projet, nous sommes partis sur l’astre.

Quel sens donnerais-tu, et alors que va paraître ton album, à cette pochette ?

Labelle : Je vois deux sens à cette pochette. Tout d’abord, celle que j’ai évoquée plus haut (l’astre, les planètes, etc.) mais maintenant que l’album est là, je la vois comme une explosion créatrice, un mouvement de bouleversement de l’espace qui amorce un renouveau, à l’image de Shiva.

Doit-on trouver une certaine forme de cohérence entre toutes les pochettes liées à ta discographie ?

Labelle : Oui, la cohérence est sur la grande histoire que tous les disques narrent. 

Kid Kreol & Boogie le savent, et je leur partage à chaque opus la poétique de la création et le lien avec l’album précédent. Ma musique et leurs travaux évoluent en parallèle. Ils créent à l’occasion d’un de mes disques un point de fusion entre nos expressions. Mais la cohérence vient aussi du fait qu’ils ont choisi de garder un rendu “dessin” pour les pochettes de mes disques.

Labelle (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / YouTube / Bandcamp / Soundcloud)

Kid Kreol & Boogie (Facebook / Instagram)

Labelle, Éclat, 2022, InFiné Music, artwork de Kid Kreol & Boogie