Engagée et vectrice d’une illustration politique, sensée et qui lutte, à sa manière, contre une certaine forme de gavage mental, Sixtine Dano a conçu la pochette sans équivoque de Propaganda du producteur Aārp (auteur du très bel EP, Nova Gemmae l’an dernier) un album dont le nom même dit tout et pensé au moment même où la France était confronté à des violences policières trop préoccupantes pour que l’on puisse, raisonnablement, ne pas y réagir. À Sixtine Dano, actrice importante du projet de même que l’a été Marco Dos Santos (lui signe quelques clips percutants pour cet album), nous donnons la parole.

L’illustration que j’ai dessiné pour l’album Propaganda d’Aārp dépeint une petite fille, cartable sur les épaules, dans la position d’une blanche neige innocente et naïve recevant une pomme luisante d’une sorcière bourrée aux as. 

Pour moi cette petite fille nous représente toutes et tous, cependant, ce n’est pas un personnage aussi naïf qu’en apparence. 

Malgré l’évidence de la dangerosité de la pomme, on voit qu’il lui est difficile de la refuser, tout comme il nous est difficile d’échapper à la propagande perpétuelle qui s’affiche dans la rue ou sur nos écrans. 

Propagande que l’on nomme d’ailleurs pudiquement publicité, campagne d’information ou encore communication… Tout est fait pour nous pousser à un consumérisme frénétique et encore plus lorsque l’on est une petite fille dans un monde publicitaire sexiste et hypergenré.

Les grosses machines agricoles et les silhouettes en tenue de protection biochimique intégrale nous donnent froid dans le dos. Comment arrêter la machine destructrice du vivant qu’est le capitalisme néo-libéral et son « progrès scientifique » censé nous protéger ? Glyphosate, OGM et pesticides… mais pas que.

Mon illustration est aussi une métaphore de toutes les couleuvres que l’on nous fait avaler

Sixtine Dano

Mon illustration est aussi une métaphore de toutes les couleuvres que l’on nous fait avaler, dérèglement climatique, traitement inhumain des réfugiés, des SDF, les violences policières ou encore la destruction du code du travail en France… tous ces gens bien habillés qui nous vendent quotidiennement de la merde, qui font des paris sur la dette des états, sur notre santé…

Cet homme en costard devant un champ toxique, c’est ce décalage permanent entre le discours et l’action réelle des entreprises et gouvernements. C’est le décalage entre la publicité et la fabrication du produit qu’iels préféreraient souvent que l’on ignore.

Illustrer tout cela en une image c’est ouvrir le débat. Faire un album de musique sur ce sujet c’est participer à la culture de la résistance.

Le son

Propaganda est l’album d’une colère. Celle ressentie par le producteur Aārp contre un système qui chancelle et qui entraîne avec lui dans sa chute tous ceux qui n’ont pas les bras suffisamment développés pour s’accrocher aux maigres branches qui traînent çà et là. Une colère qui a généré une lutte qui a pris la forme d’une musique électronique aérienne et progressive, techno qui prend son envol très haut dans les cieux avant de venir éclater sa rage contre les maux qui dominent les sous-sols. « Condamnez-vous les violences ? », « There is no alternative », « I Prefer A Liberal Dictator To Democratic Government Lacking Liberalism »… autant de morceaux comme autant de révoltes et de réflexions sur ce futur qui, à l’image de ce que formule Rone sur Room with a view (également paru sur InFiné), échappera à tous si quelques-uns ne sont pas capables de s’en saisir, et d’en modifier le tracé.

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Aārp, Propaganda, 2020, InFiné, 35 min., artwork de Sixtine Dano