Frànçois and the Atlas Mountains x Julia Grüßing — Banane bleue


« Banane Bleue ». Le terme vous dit quelque chose. C’est vague, ça remonte, vous avez entendu l’idée dans un cours de géographie, au collège puis au lycée sans doute — tous les enseignants n’ont pas le temps de terminer chaque année le programme, on le sait, mais tout de même —. La Banane Bleue, et pour Roger Brunet notamment (géographe français à l’origine du terme), ce fut au milieu du XXe siècle le grand espace économique de l’Europe, et cet espace fortement urbanisé qui part de Londres, passe par l’Europe rhénane, s’arrête à Milan, un espace où la production de richesse et les flux sont les plus importants en Europe et qui prend la forme, symbolique d’une banane. Voilà pour le rappel.

Frànçois and the Atlas Mountains © Oihan Brière – Studio Zômpà_Zitü

Ange vagabond

Frànçois Marry, s’il s’est intéressé à Charles Baudelaire dont il a repris les vénéneuses Fleurs du mal lors d’un album paru il y a trois ans, n’est pas entre-temps devenu géographe émérite. Âme vagabonde et corps nomade, Le leader des Atlas Mountains a habité Saintes, Bristol, Bruxelles, Paris ou les Landes ces derniers mois. Son métier de musicien, comme ses appétences naturelles, lui permettent de voyager beaucoup, et en Europe surtout.

Sa Banane bleue à lui n’est pas économique, politique ou théorique, elle est purement sentimentale, et le reflet d’un album enregistré entre Athènes, Berlin, Paris et sa banlieue (Nogent-sur-Marne).

Avoir la banane, et donc le sourire, et avoir le blues : je me retrouvais bien dans cette association-là.

Frànçois Marry

« Je voulais créer un axe entre ces trois lieux », nous dit Frànçois. « Banane bleue pour moi, c’est vraiment l’errance, les histoires d’amour, de retrouvailles, l’ambiance de bohème [l’album a été écrit et composé avant la Covid, ndlr] dans laquelle j’ai pu créer cet album. Avoir la banane, et donc le sourire, et avoir le blues : je me retrouvais bien dans cette association-là ».

Frànçois and the Atlas Mountains x Julia Grübing — Banane bleue (essai)
Frànçois and the Atlas Mountains x Julia Grüßing — Banane bleue (essai)

Warhol, Éluard et Katerine

La banane renvoie aussi à Paul Éluard, à Philippe Katerine (« j’aime ses textes et sa personnalité ainsi que son point de vue très dada »), et évidemment à Andy Warhol, puisque le fruit phallique est indissociable, lorsqu’on en reproduit l’image sur une pochette de disque, de celle qui apparaît, rougeoyante de plaisir sur sa version vinyle d’époque, sur la pochette de l’album du Velvet Underground en date de 1967. « Warhol, j’y ai effectivement pensé, surtout pour le côté responsable de son auto-promotion et de sa propre publicité… ce que doivent finalement faire aussi aujourd’hui les artistes, en ne pensant pas simplement à la musique mais aussi à la manière dont ils vont devoir en parler au public. »

Cette pochette, Frànçois, très indépendant dans sa manière de créer bien que soutenu depuis des années par le label Domino, l’a une nouvelle fois crée dans son coin. « Cette image est un accident heureux, un cadavre exquis géographique. En double-exposition est apparue cette image de moi en studio à Nogent-sur-Marne aux côtés d’une antenne électrique prise à Athènes. On a jouté les bananes, c’est devenu la pochette du disque ». Trois bananes pour Paris, Athènes et Berlin ? « C’était plutôt pour l’équilibre visuel, mais effectivement, ça fait sens ! ».

« J’ai rencontré à Berlin une jeune artiste Julia Grüßing, qui nous a ensuite accompagné pour prendre des photos et filmer les sessions d’enregistrement du disque. Elle a pris cette photo à Athènes de cette antenne électrique. On est abreuvé d’électricité avant même d’avoir été abreuvé d’autre chose. Dans toute l’Europe, nos références culturelles sont diffusées via ces canaux électriques, toute notre musique et nos arts sont traversés par cet espace de brouillard électro magnétique qu’on a décidément de faire figurer sur la pochette ».

Sur la pochette également, Frànçois lui-même, de trois-quart. Une présence pas si anecdotique que ça puisque c’est en réalité la première fois qu’il apparaît sur une pochette, depuis son premier disque autoproduit.

Disque intime et silhouette spectrale

« Les morceaux qui figurent sur ce disque sont extrêmement intimes, c’est la première fois que je fais un disque aussi seul et la première fois que je fais un disque sans groupe, si ce n’est quelques intervenants, croisés ici et là. [l’album a notamment été co-arrangé par le producteur Jaako Eino Kalevi, ndlr]. Certains des morceaux ont été écrits il y a 20 ans, lors de mes années à Bristol où lors d’un premier voyage à Athènes. C’est aussi pour cette raison que je me sentais figurer sur une pochette, même si j’apparais… et suis en même temps… en train de disparaître. »

Frànçois & the Atlas Mountains (Site officiel / Facebook / InstagramTwitter / YouTube)

Frànçois and the Atlas Mountains, Banane Bleue, 2021, Domino Records, 35 min., photo de Julia Grüßing, design de Matthew Cooper