The xx – Olivier Sim x Romy Madley Croft – I See You


Baser l’intégralité d’une identité visuelle sur un seul et unique signe, une croix, non pas comme celle de Jésus (ou celle de Justice, quitte à rester dans la thématique « pop » et dans les groupes aux D.A. uniformes) mais plutôt celle des chromosomes, du chiffre romain, du « kiss kiss » britannique, des sites interdits aux moins de 18 ans. Le symbole visuel systématiquement utilisé afin de représenter une entité qui porte pourtant déjà dans son nom le symbole en question (le processus est le même pour The X-Men, finalement). C’est là l’idée brillante, quoiqu’évidente, d’Olivier Sim, de Romy Madley Croft, de Jamie Smith (aka Jamie xx), et de The xx (le « x » à laisse en minuscule surtout), désormais « propriétaires » à part entière, du moins dans le domaine de l’indie-pop, de ce signe qui était pourtant jusqu’alors loin d’être libre de droits.

Facteur x

Et le groupe l’assume : malgré les spéculations, nombreuses, de certains, qui ont été jusqu’à voir dans cette croix une référence aux anciens symboles vikings (les explications les moins originales y voient une référence au XX de 20, l’âge auquel ils ont débuté), ce signe-là a été choisi parce qu’il peut justement renvoyer à un nombre conséquents de choses, et ne comporterait aucun signe caché potentiel. Le signe viendrait même du « x » de Microsoft Excel, comme ça, juste parce qu’une intuition s’est présentée au moment opportun. Et que l’un des membres du groupe était peut-être en train de faire ses comptes à ce moment-là.

Et s’il y a bien quelques figures psychédéliques ici et là (dessinées par l’illustrateur Davy Evans, dont c’est la grande spécialité), trainant systématiquement dans les vinyles du groupe (ou même dans le « x » lui-même, comme sur la cover de Coexist), c’est le « x » que l’on retient, et pas grand-chose d’autre. Et pas simplement parce que la génération contemporaine à celle des Britanniques (la « y » cette fois, ça peut pas coller à tous les coups) a fait du « x », du cul, du porno débarrassé de l’érotisme romantique, le leitmotiv même plus visible de ses expériences (ou existences ?) 2.0.

Chez Jamie, un rectangle

La reproduction systématique d’une seule et même forme : une démarche d’autant plus cohérent que Jamie xx, « l’homme-machine » du trio, adopte exactement le même processus de récurrence visuelle dès lors qu’il s’agit de son propre projet, sauf qu’il ne s’agit pas chez lui d’une croix, mais d’un rectangle. Comme pour montrer que c’est à partir des éléments les plus simples que l’on peut mettre sur pied les idées les plus élégantes.

I See You, le troisième album du trio (ils étaient quatre avant le départ de Baria Qureshi), ne déroge, bien sûr, pas à la règle établie depuis les débuts du projet : on l’illustre avec la 24e lettre de l’alphabet, de la même manière qu’on l’avait fait avec xx, avec Coexist, et à avec tous les visuels amenés à illustrer à un moment ou à un autre un quelconque objet de communication ou de merchandising. Quelques petites nuances, quand même : c’est la première fois qu’apparaissent les trois membres du trio sur l’une des pochettes, présentés en arrière-plan comme s’ils étaient, tous trois, penchés sur un point d’eau qui laisserait refléter leurs silhouettes modifiées par les ondulations naturelles. Ou à travers, en tout cas, une matière modifiant les formes initiales, peu importe laquelle. Dans tous les cas, le bout du bras en avant de Jamie (on reconnaît la tignasse) indique la possibilité quasi certaine d’une photo prise par la voie du selfie, et par conséquent, d’une cover faite main. Une signification particulière, cette fois, à apporter à ce « x » surplombé par trois silhouettes mirant de face leur interlocuteur ? C’est que l’album se nomme I See You. Et qu’ils s‘appellent The xx. Inutile de voir plus loin, et impossible même. Car on le voit sur cette pochette-là, dans le coin gauche : le Soleil brille, et éblouit. Parce qu’on ne peut le regarder dans les yeux ?

Le son

Nettement plus pop que ses deux prédécesseurs (l’aventure solo de Jamie xx n’y est certainement pas pour rien), à l’image des deux petites bombes tubesques « I See You », et surtout l’intro incroyablement addictif « Dangerous », et sa prod imparable (l’intro superbe : une habitude chez The xx), les trois x n’oublient pas pour autant leur base, faite de basses qui font vrombir les murs, de lamentations qui font saluer les cieux, et de grâce qui font gravir les monts. Au final, un disque moins lamenté que dans le passé, et parce qu’il s’ouvrir plus encore au club (sage, tout de même), un eXcellent album de pop.

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The xx, I See You, 2016, Young Turks, 34 min., pochette par Oliver Sim & Romy Madley Croft