Son Lux x The Made Shop – Brighter Wounds


En temps jadis, année 2017, l’EP Remedy de l’extravagant américain Ryan Lott (leader du projet Son Lux), envisageait déjà, via le visuel qui se devait de l’illustrer, la présence de mains, curieusement entremêlées, comme s’il s’agissait de projeter, de manière permanente et sur les murs, ces ombres chinoises qui terrifient, qui amusent, et qui interrogent les enfants en bas âge. L’un de ces doigts, sectionné au niveau de la phalange, laissait alors entrevoir, anomalie anatomique, la présence d’une partie recouverte d’or…

Son Lux ‎– Remedy (2017)

Blessures lumineuses

Toujours entremêlées, et coupées, cette fois, au niveau du poignet, ces mains, manifestement contaminées par cette petite partie brillante qui émergeait, se sont intégralement trouvées recouvertes d’or, comme si le roi Midas, pourvu de son pouvoir terrifiant (tout qu’il touche, dit son histoire, allait être transformé en or), était à l’origine de cette plaie maléfique. Les blessures de Son Lux, et le titre de ce nouveau disque  le formule (Brighter Wounds, c’est-à-dire : « les blessures plus brillantes »), n’avaient ainsi jamais été si lumineuses, une autre manière de dire, sans doute, que celles-ci sont extrêmement fortes. Il fallait alors le dire aussi avec cette pochette réalisée par le duo The Made Shop (Marke et Nathan Johnson), qui avait déjà été en charge de la pochette de Bones, le dernier album de Son Lux, thématique orée que l’on retrouve également dans le clip de « Dream State », encore une fois oeuvre de The Made Shop.

Son Lux x The Made Shop – Bones (2015)

« Lorsque nous avons commencé le développement créatif pour ce nouvel album, nous disent Marke et Nathan, trois thèmes ont clairement émergé des discussions que nous avons eu avec Ryan (Lott). La première idée fut celle de la violence, la seconde du travail, et l’autre de l’accouchement. » Un enfant est né lors de la composition du disque (le lendemain de l’élection, douloureusement vécue, du Président Trump, racontée sur l’EP Remedy), et un ami fut perdu. Ce qui explique la présence, inhabituelle, de ces thématiques-là.

La main, concluent-ils avec Ryan, se trouve être une bonne manière d’incarner cette triple idée de violence-travail-accouchement. La main que l’on lève lors d’un acte violent, la main dont on se sert pour un travail laborieux, la main que l’on utilise, en compagnie d’une deuxième, afin d’extraite l’enfant du ventre de sa mère, lors d’un accouchement, blessure originelle (physiquement pour la mère, et métaphysiquement pour l’enfant) qui ne se refermera, dans ce cas-là, jamais véritablement. « Lorsque le titre du disque, Brighter Wounds, a finalement été validé, nous avons tous convenu ensemble que les mains devaient être en or, et coupées proprement au niveau du poignet, afin que cette blessure se fasse le plus clair possible ».

« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière », disait hier, et à propos, Michel Audiard

Le son

Si Remedy, l’EP de Son Lux sorti l’an dernier, s’avérait être une complainte, assez spontanée, réagissant à l’élection alors récente du président Donald Trump, Brighter Wounds, le cinquième album studio d’un Américain dont on sait la composition marquée par une sensibilité et un lyrisme de tous les instants, réagit cette fois à une double actualité plus personnelle, marquée par un véritable ascenseur émotionnel. La naissance d’un fils, d’abord (le lendemain de l’élection de Trump, justement), et puis la perte tragique d’un de ses amis proches, d’un cancer. Les blessures évoquées par cet album-là s’avèrent alors, comme l’implique le titre du disque, brillantes (ou brûlantes ?). Et donnent naissance à un disque une fois pourvu d’un lyrisme débordant, marque de fabrique décidément décisive d’un artiste maîtrisant l’électro pop grandiloquente et romantique comme personne.

Son Lux (Site officiel / Facebook / Twitter / SoundCloud / TumblR)

The Made Shop (Site officiel / Twitter /TumblR)

Son Lux, Brighter Wounds, 2018, City Slang, artwork par The Made Shop