Seth Gueko x Adrien Lacheré – Professeur Punchline


Seth Gueko x Adrien Lacheré – Professeur Punchline

Le premier regard porté vers la pochette de Professeur Punchline, le prochain album de Seth Gueko, renvoie vers la figure romanesque du docteur Hannibal Lecter. Parce que la dentition sans peau tatouée sur la main gauche de Gueko rappelle d’emblée la camisole sécurisée du cannibale érudit créé par l’écrivain américain Thomas Harris. Le second regard, lui, parce qu’il a été précédé entre-temps par le visionnage du clip de « Val d’Oseille », renvoie plutôt vers la figure d’Immortan Joe, le grand méchant psychopathe du dernier épisode de Mad Max qui porte également sur le visage ce masque d’acier faisant ressortir les dents tout devant et à qui Seth fait référence dans ce vidéo-clip en constante hésitation entre pastiche parodique et hommage cynique.

Hannibal Lecter

D’Hannibal à Skeletor

Joint par mail, le rappeur originaire de Saint-Ouen-L’Aumône, qui tient son blaze du personnage interprété par George Clooney dans Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez, réfute et confirme : « La cover évoque plein de personnages, mais à la base pas spécialement Hannibal. Mais maintenant que tu me le dis, oui, un peu : ça me rappelle Hopkins et sa camisole buccale en métal ! Je trouve aussi que je ressemble à Skeletor là-dessus ! » (ndlr : le gros méchant du dessin animé Les Maîtres de l’univers).

Ce qui marque aussi évidemment avec cette pochette, c’est le nombre très important de tatouages qui apparaissent sur la peau du rappeur, si bien mis en valeur qu’ils en viennent quasiment à faire disparaître les différents bijoux (montre, chevalière et chaîne en or) visibles également. Ces tatouages, Seth en a recouvert son corps, et si la mention « PROFESSEUR PUNCHLINE » qui est inscrite sur ses épaules a sans aucun doute été conçue en évocation directe de ce nouvel album, cette mâchoire dénudée de chair ne l’a a priori pour sa part pas été. Seth Gueko, toujours  :

« Je fais mes tatouages pour moi en priorité, pour l’amour du tatoo. Pour celui de la main avec la mâchoire de squelette, je me suis dit après coup que ça ferait une cover originale. Mais à la base, c’est surtout parce que j’avais une zone vierge sur la main… »

Cette cover, elle dénote largement avec les ambiances des précédentes, où le rap game se trouvait scénarisé dans une démarche nombriliste et auto-dérisoire (on reconnaît notamment la patte de Fifou, l’un des grands spécialistes du genre qui avait notamment conçu l’artwork de Michto et de Bad Cowboy), et bien que cette chevalière très visible puisse être une référence à l’album du même nom, dont la pochette avait été signée par le designer Kares.

Portrait puissant

Elle dénote parce qu’elle marque et impacte immédiatement la mémoire. C’est tout le mérite d’Adrien Lacheré, le photographe en charge du shooting, d’avoir donné de la personnalité à un visuel qui n’est finalement, si l’on prend le pitch de base, qu’un ultime portrait de plus. Adrien, au téléphone :

« Seth avait une idée à la base, que j’ai respecté. Mon défi à moi était de mettre en image cette idée le plus simplement possible, pour que l’impact soit le plus fort possible. J’ai ainsi pensé au fond blanc. J’ai photographié Seth devant un mur avec une texture assez particulière et dehors, afin d’avoir une lumière naturelle. Et ça a tapé direct. »

Contrairement aux très actifs Fifou, déjà auteur à un peu plus de 30 ans de quelques 500 cover (dont celle de NGRTD, le dernier album de Youssoupha), ou de Mark Maggiori, qui avait pris la photo de Bad Cowboy et qui a réalisé, entre cent autres choses, l’intégralité des pochettes de son ancien projet de nu metal Pleymo, Adrien n’a pas encore pignon sur rue dans le tout petit monde de la scène musicale hexagonale. Cette collaboration, première du genre pour lui (photographe depuis 5 ans, son travail est surtout documentaire, et ai dominé par une série à la street credibilty avérée), ait plutôt dû en fait à un heureux hasard. Être au bon endroit au bon moment, comme le dit le proverbe. Adrien, toujours au téléphone, après une coupure due au réseau capricieux :

« J’ai fait un reportage sur Seth pour un magazine qui n’existe plus aujourd’hui. L’article n’a d’ailleurs jamais été paru…J’étais à ce moment-là en Thaïlande, où j’habitais à l’époque et où je dois bientôt retourner pour y terminer un projet photo que j’ai commencé. Je l’ai rencontré dans son bar, qui cartonne là-bas, sur l’île de Phuket. Le courant est passé entre lui et moi. On s’est reconnecté au moment où il avait besoin de quelqu’un pour la pochette. C’était y a un an et demi. C’est marrant de bosser avec lui aujourd’hui quand j’y repense. »

Le son

« Si tu sais pas faire de punchlines vient voir le professeur », conclut Seth Gueko sur « Delicatessen », nouvel extrait justement pas tellement délicat d’un album qui accumule les punchlines bodybuildées et les jeux de mots en-dessous de la ceinture et entre les quatre lèvres (celles du haut autant que celles du bas…), et qui voit son protagoniste auto-proclamé docteur ES en la matière. « La RATP m’suce avec sa bouche de métro », « Faire disque d’or avec du rap hardcore c’est dur comme déboucher des chiottes avec un cintre », « Quand j’bande on dirait une tente de camping ». École pour tous.

Seth Gueko (Site officiel / Facebook / Twitter / YouTube / Instagram)

Adrien Lacheté (Site officiel / Instagram)

Seth Gueko, Professeur Punchline, 2015, Believe Recordings, pochette par Adrien Lacheré