Satanic Surfers x Tue Sprogø – Back From Hell


Il est cool, l’artwork que les Satanic Surfers (skate punk, métal mélodique, tout ça venu de Suède), via le dessin de l’illustrateur et bédéiste Tue Sprogø, proposent pour accompagner leur album Back From Hell. Il est cool, et il est aussi extrêmement littéral. Sur cet artwork dominé par le rouge (la couleur traditionnellement liée au diable), on y voit en effet un surfer (torse nu, cheveux en pétard, sourire aux lèvres) s’extraire très concrètement de la bouche d’un personnage nettement plus grand que lui, et qui s’avère, sans nul doute, être le diable. De cette bouche-là, ouverte comme si il venait d’être contraint à un dégluti soudain, un liquide venu de ses entrailles les plus profondes et sur lequel le surfer, dicté par un instinct viscéral, s’est instamment mis à « rider ». Un personnage « revenu des enfers », on l’a compris.

« I am an anti-Christ »

Et celui qui personnifie ici les Enfers, comme c’est bien souvent le cas, c’est Satan lui-même, incarnation du Mal tentateur, prince des anges déchus, maître du monde souterrain dans lequel il est peu recommandé de se rendre. Et pour être certain qu’on ne se plante pas sur l’identité du bonhomme, Tue Sprogø a mis le paquet : oreilles pointues, nez véreux, peau froissée, yeux exorbités, symbole sataniste pendu au bout d’un collier, et bien sûr, le prototype ne serait pas complet sans ça, les cornes de bouc sur le dessus de la tête, animal lié à la figure diabolique (et assimilé à l’idole Baphomet) parce qu’au moment du Jugement Dernier, ce sont des boucs qui furent placés à la gauche du seigneur, en opposition aux brebis placées à sa droite, qui symbolisaient le Bien. Autres éléments associés sur cet artwork à l’iconographie « sataniste » : le crâne d’homme sans chair avec la Croix de Saint-Pierre inversée, des personnages volatiles dans le fond qui semblent bien être d’autres diables (Satan, on le rappelle, est initialement un ange déchu, et donc pourvu d’ailes), et des yeux qui, dans l’obscurité, guettent ce qui se trame. La typographie gothique utilisée afin de signifier le nom du groupe ne laisse pas non plus de place à l’hésitation, et place définitivement les Satanic Surfers dans la lignée de ces groupes de hard rock, puis de métal (de Queens Of The Stone Age à Iron Maiden, de Slayer à Celtic Frost ou bien sûr à Black Sabbath) ayant fait leur, par pur souci de vision contestataire et alternative, la figure du Malin.

Mais alors, d’où vient-elle, cette association récurrente de ces genres-là à l’imagerie sataniste ? Depuis deux ans, Simon Théodore prépare justement une thèse en études scandinaves à l’Université de Strasbourg, et travaille sur la réception du métal viking en France.

« D’une part, nous dit-il, il y a cette idée que le hard rock provient d’une radicalisation du rock, musique issue du blues où, selon la légende, un guitariste avait vendu son âme au diable. Le triton utilisé par Black Sabbath est aussi l’accord du diable, il était interdit au Moyen Age. Il y a aussi le fait que la culture hard rock / metal des années 70 est une réaction au mouvement hippie. Elle a renversé les codes. Les couleurs sont remplacées par le noir et blanc, LOVE devient EVIL, etc. Dans les pays nordiques, et c’est surtout vrai pour le métal années 80/90, les musiciens ont grandi des pays protestants. Aller chercher le diable, c’est une manière de contester l’éducation religieuse très présente et de renverser l’église d’État ».

Le son

Depuis le début des années 90, les Satanic Surfers calent des refrains frénétiques sur un surf-punk qui se confond, souvent, avec le hardcore mélodique, le tout expédié comme si une vérité alternative en dépendait. Six albums qui imposèrent le groupe au sommet de cette scène suédoise dans laquelle les guitares lourdes et les chants sévères séduisent toujours bien plus qu’ailleurs, et un septième désormais, résurrectionnel parce que cette histoire, souvent, a bien failli prendre fin. À chacun sa deuxième naissance.

Satanic Surfers (Facebook / Instagram / Bandcamp)

Tue Sprogø (Instagram)

Satanic Surfers, Back From Hell, 2018, Mondo Macabre Records, artwork par Tue Sprogø