Rhye x Rachell Smith x Stuart Hardie – Blood


En 2018, aussi belle et réussie soit-elle (c’est absolument le cas ici, chez Rhye), la tentation de baser l’intégralité de l’identité visuelle d’un projet musical (soul moderne, pop électronique) sur la représentation du corps féminin, dénudé et photographié dans des positions jamais absente de sensualité, s’avère, c’est une certitude, largement périlleuse. Et ce visuel, une nouvelle fois réalisé par le très élégant duo Rachell Smith (pour la photo) et Stuart Hardie (pour le design graphique), clivera au moins autant que le précédent, celui qui accompagnait la sortie de Woman (et tous les autres, EP et singles compris), le premier album du duo formé ensemble par le Canadien Mike Milosh et le Danois Robin Hannibal. Et peut-être même davantage encore.

Rhye x Rachell Smith x Stuart Hardie – Woman

« À l’horizon monte une nue, sculptant sa forme dans l’azur »

Une photographie, prise en noir et blanc, et focalisée sur la silhouette d’une femme sans vêtements et gâtée par une nature qui a eu la bonne idée, c’est une chance, de la projeter dans un siècle où sa silhouette et ses formes correspondent aux standards de beautés. La photo prise par Rachell Smith ne permet pas de voir le visage : c’est sur son corps, ainsi, que l’on est contraint de se concentrer. Certains considéreront ainsi d’abord l’ode à la femme (considérée dans sa globalité), à ses contours, à sa gestuelle qui peut parfois s’avérer si sensuelle, à ses formes, et à ce langage du corps qui permet le fantasme, l’assouvissement, la frustration, l’accomplissement, le tout mélangé en une sensation unique : l’envie, charnelle et mentale, indicible et bien réelle.

D’autres considéreront la question autrement. Et s’agaceront devant cette nouvelle érotisation exacerbé du corps féminin au sein d’un contexte qui ne le justifiait pas nécessairement. Cet album-là, le deuxième de Rhye, se nomme en effet Blood. Quel rapport avec le fait de représenter une femme nue, même présentée à son avantage ? Assez peu sans doute, à moins que l’on considère qu’effectivement, qu’il y a bien du sang dans ce corps-là (4 à 5 litres même, si tout va bien). Tiré par les cheveux.

Alors, chacun se fera son avis, sur ce visuel-là, comme cela était déjà le cas, parmi mille autre exemples, pour le travail du photographe Raphael Garnier sur l’EP Quite Like de Her. Et décidera si celui qui apprécie la représentation, photographique en l’occurrence, de la nudité la plus totale, doit pour autant être considéré comme l’allié du sexisme, du machisme, du patriarcat qui ne verrait plus que dans la femme un objet d’excitation charnelle, et rien d’autre. Ou si celui-ci peut se voir accorder, au moins, le bénéfice du doute.

Le son

C’est R&B, c’est soul, c’est électronique, c’est le son de la pop en 2018. Et chez Rhye, un duo composé d’un Canadien (Mike Milosh) et d’un Danois (Robin Hannibal), qui communiquent sans doute en Anglais (c’est la langue du disque, en tout cas), c’est particulièrement bien fait. Auteurs de pop-song sensibles, qui s’étalent parfois, qui miaulent la plupart du temps, sans pour autant nuire à qui que ce soit, ces deux garçons-là paraissent au contraire pleins de sensibilité et d’espoirs, la plupart destinés aux femmes. L’inspiration ultime, et l’assurance d’un futur productif.

Rhye (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / Youtube)

Stuart Hardie (Site officiel)

Rachell Smith (Site officiel / Instagram / Twitter)

Rhye, Blood, 2018, Polydor, artwork par Stuart Hardie (design graphic) et Rachell Smith (photo)