Paradis x Andrea Montano – Recto Verso


Paradis x Andrea Montano - Recto Verso

Avec Recto Verso, Pierre Rousseau et Simon Meny (qui forment ensemble l’excellent duo Paradis) se jettent donc à l’eau. Et comme Diane Sagnier plus tôt dans l’année, via le 1er album de son projet Camp Claude, on le figure clairement sur la pochette du disque, ce saut vers cet inconnu humide et profond dans lequel il est toujours possible, parce que l’évolution n’a pas cru bon de devoir finir par munir l’Homme de nageoires, de se noyer.

Camp Claude - Swimming Lessons
Dualité humide

Joints par mail, les deux garçons nous la justifient, cette pochette jonchée de symboles et signée par le photographe et vidéaste Andrea Montano : « Il y a avant tout sur cette pochette la question de la dualité, qui est un des thèmes récurrents de l’album. Sur cette couverture, nous nous battons : cela symbolise le conflit créatif d’une certaine manière. L’un de nous est de face, l’autre de dos : recto, verso. Il y a ensuite la question de la mise à nu, et le fait d’enfin se jeter à l’eau avec un premier album, album qui murit depuis plusieurs années. Enfin, la question du temps est abordée aussi, cette photo nous paraît assez intemporelle : il n’y a pas de marqueurs d’époque dedans, chose qui était assez importante pour nous, dans la mesure où nous avions pris du temps à faire ce disque. »

Dualité, mise à nu, intemporalité, et corps dans la flotte : c’est aussi la thématique du clip de « Recto Verso », également signé Andrea Montano (et co-réalisé avec le Moodoïd Pablo Padovani), dans lequel l‘on croit d’abord devoir trouver la mise en images de la pochette, mais qui ne met pas en réalité en scène les mêmes protagonistes. On y trouve en effet une fille, dans ce clip, et non pas deux garçons (Simon et Pierre en l’occurrence) comme sur le visuel du disque. « La photo de la pochette – où c’est bien nous deux qui apparaissons ! – elle a été prise par Andrea Montano dans la baie d’Arcachon, à l’occasion d’un concert que l’on a donné au Cap Ferret un été. Nous avons trouvé un sens à cette photo après coup, qui n’a donc pas été pensée en amont. Mais elle est venue influencer notre album et son interprétation, le scinder. »

12 morceaux, 12 photos

Un disque illustré comme une jaquette d’un film de requins (mais dans lequel il n’y aurait pas de requins du coup), et chacun des morceaux de cet album, également, illustrés par un visuel (qui est toujours une photo), censé présenter une grille du lecture du morceau en question. Là encore, c’est signé Andrea Montano, décidément affilié de près ou de loin à tout ce qui touche, visuellement parlant, l’univers de ParadisLa boule à facettes doublée pour « Toi et Moi », le flou abstrait pour « Garde le pour Toi » et « Instantané », le building immense pour « Chacun pour Soi » (une métaphore, on s’en doute, du capitalisme narcissique) : tous ces clichés-là se retrouvent dans le livre d’éditions de photos qui vient avec l’édition vinyle, et dans le livret de la version CD.

Paradis x Andrea Montano - Toi et Moi

Paradis x Andrea Montano – Toi et Moi

Paradis x Andrea Montano - Paradis

Paradis x Andrea Montano – Paradis

Un processus de figuration systématique, d’ailleurs, déjà mis en place sur Couleurs Primaires, l’EP du duo sorti l’an dernier. Paradis, toujours :  « Sur notre dernier EP, déjà, les trois morceaux devaient chacun être représentés par une photo. Pour Garde Le Pour Toi, une photo d’une fille de dos, qui s’en va. Pour Sur Une Chanson En Français, une façade d’immeuble typiquement française. On pourrait être à Paris, Saint-Malo ou Strasbourg. Pour Le Bal Des Oubliés, une photo de lumières de club. Ensuite, chacune de ces photos devaient être teintée d’une des trois couleurs primaires. Donc une photo rouge, une bleue, une jaune. Et au centre de cette rencontre de photos, les images se marchent dessus, les couleurs se mélangent, s’additionnent, symbolisant la palette sonore que nous voulions construire pour notre album à venir. »

Paradis - Couleurs Primaires

Paradis – Couleurs Primaires

Le son

Entre la variété maligne de Souchon et de Chamfort (tous deux repris sur « La Ballade de Jim » et sur « Paradis) et la house atmosphérique parfois tendrement émise par Sébastien Tellier ou par Air, Paradis trouve le chemin d’un Eden, où les boules à facettes couvrent les sifflement du serpent, et dans lequel l’on s’autorise, la nuit, à parler des petits malheurs du jour. « Garde le pour Toi », « Recto Verso », « Toi et Moi », « Instantané » : ce premier album-là, qui intervient après la sortie d’un excellent EP (Couleurs Primaires) et de quelques singles efficaces (« Hémisphère », « Je m’ennuie »), permet de faire le tri dans le cerveau, via le remuement des os. Et s’avère, si l’on voit les choses à travers le prisme de la musique électronique que l’on entonne en Français, comme l’un des tous meilleurs de ces dernières années.

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Andrea Montano (Site officiel / Instagram)

Paradis, Recto Verso, 2016, Universal Music / Barclay, pochette par Andrea Montano