Paper Tapes x Simon Heller — Child


Paper Tapes x Simon Heller — Child
Paper Tapes x Simon Heller — Child

Au sujet des glaces que l’on commande l’été en plein cagnard afin de se rafraîchir le gosier, on parle parfois de dégustation. Bonne dégustation madame, monsieur ?

Dégustation

Ce ne sont sans doute pas bons mots. Car manger une glace doit se faire vite. Très vite. Pas le temps de faire une fois encore le tour de la fontaine de Trevi, du Sacré Cœur ou d’une nouvelle rue commerçante en tout point comparable à une autre rue commerçante avant de vous lancer dans la dégustation en question. La glace, il faut y plonger immédiatement la langue sous peine de la voir fondre au soleil en un temps toujours hallucinant. C’est froid ? Trop ? Vous subissez les remarques lubriques d’un garçon qui n’en aurait pas encore totalement fini avec la puberté ? Peu importe, il faut manger ! Et essuyer vos doigts devenus tout collants avec le mince filet de serviette qu’on vous a gracieusement offert, mais qui est déjà imprégné d’une partie du citron, de la menthe, de la fraise, de la vanille ou du chocolat glacé qui ornait jadis (car tout va vite, ici) la hauteur de votre glace. Ça a coulé sur vos doigts. C’est dégueu. T’as du gel hydroalcoolique, steplaît ?

Alors Cyril Angleys, une attraction particulière pour les glaces qui fondent au soleil ? Ce musicien français qui chante en anglais, et par ailleurs membre du groupe Brace ! Brace !, a lancé il y a quelques années Paper Tapes, réceptacle d’une pop rêveuse, tendre, délicate, directe, façon soleil couchant en Californie, sauf que cette pop-là vient de Lyon et qu’on pourra donc l’écouter en regardant droit dans les yeux les remous du Rhône, de la Saône, du fleuve ou de quoi que ce soit d’autre, tant que cela vous évoque une légèreté rassurante, chaleureuse, pourvu de cette mélancolie douce que les poètes du XIXe ont justement nommé spleen. Le spleen de la glace qui coule le long de la gorge. Et qui, en le faisant, adoucit le corps.

Child, le nom de cet album qui fait suite à l’EP Homecoming, sort le 10 novembre sur Géographie Records / Modulor. Nous dévoilons sa pochette en exclusivité sur Néoprisme avec quelques mots de Cyril Angleys pour la musique et de Simon Heller pour l’image. D’ici là, nous vous souhaitons bonne dégustation.

Paper Tapes © Antoine Magnien

Pourquoi avoir nommé cet album Child et pourquoi ce choix de visuel pour l’accompagner ?

Cyril Angleys : Child évoque l’écoulement, la fin de l’enfance. Outre certaines prises de conscience que j’ai eues par rapport à ma propre enfance ces dernières années, j’ai aussi eu l’occasion de côtoyer certaines personnes qui vivaient dans une sorte d’insouciance et de désinvolture très enfantine. Du coup, ce titre est à la fois un jalon dans ma vie, mais aussi une façon d’observer et d’évoquer certains comportements.

Une obsession pour les glaces ? Le clip de « Cut the Cord » en met également en scène une.

Cyril Angleys : En fait, le clip et la pochette sont liés. Je me suis servi du propos de la pochette pour l’étendre au clip. Ça m’a permis de poser l’univers du disque et de le positionner comme un album pop. Il y a dans la glace un truc très iconique, très graphique, qui offre une vraie puissance d’évocation.

À quel moment du processus créatif cette glace est-elle intervenue dans ta tête ? Certaines idées viennent tout de suite, d’autres au dernier moment…

Cyril Angleys : J’avais déjà quelques éléments en tête quand j’ai composé l’album. Par exemple, j’avais envie que la pochette illustre un seul mouvement, un seul instant. Je voulais qu’elle représente une action en train de se dérouler et qui puisse être un écho au titre de l’album. L’idée de la glace m’est venue après avoir vu le film de Jim Jarmusch Down By Law. Dans une des scènes, les personnages scandent la même phrase pendant un long moment : « I scream, you scream, we all scream for ice cream ».

Cette réplique m’est restée en tête, elle m’a également fait penser à la pochette du disque de Battles : Gloss Drop. Petit à petit, l’idée est devenue de plus en plus précise.

Pourquoi le choix de Simon Heller pour la pochette et de quelle manière avez-vous travaillé ensemble ?

Cyril Angleys : On avait bossé ensemble sur un clip pour Brace ! Brace !, j’avais adoré son style d’illustration rétro-futuriste à l’aérographe, qui collait bien avec ma musique.

Simon Heller : En général, créer une pochette d’album est un exercice compliqué. Je dois mettre en image un projet, souvent très personnel, issu de longs mois de travail, très intime, et surtout créé par quelqu’un.e d’autre. Je dois me mettre à sa place et produire le prolongement de son œuvre. Quand la.le musicien.ne a une idée claire, on s’évite les erreurs d’interprétation et la frustration. Cyril attendait de moi que je mette mon topping sur son idée. À vrai dire, c’est très agréable de se laisser porter par une idée claire.

Cyril est un artiste précis et exigent, il sait où il va et ce qu’il a à dire. C’est donc avec mon style de représentation très inspiré par des années 80 fantasmées que j’ai insufflé tout le grain de nostalgie à cette image. J’avais envie de la rendre flottante, éclatante, et intrigante à la fois. J’ai aussi encouragé Cyril à faire le choix d’une image radicale, en proposant un cadrage serré, dénué de contexte environnant. Je suis très content de cette collaboration. L’image qui en découle respecte mon identité graphique tout en me faisant faire un pas de côté plus pop est cheesy que d’habitude.

A posteriori, quel sens donnerais-tu à cette pochette ?

Cyril Angleys : Je crois qu’elle représente parfaitement cet écoulement, ce passage de l’enfance. Je dirais aussi qu’elle capte un instant suspendu, dans lequel chacun peut se projeter dans son propre imaginaire.

Paper Tapes © Antoine Magnien

Paper Tapes (Facebook / Instagram / Bandcamp / YouTube)

Simon Heller (Site officiel / Instagram)

 Paper Tapes, Child, 2023, Géographie / Modulor, artwork de Simon Heller. Sortie le 10 novembre. Lien de pré-commande.