Midnight Cassette x Amy Winter — Castle of my heart


Des yeux, sans visage pour les porter, flottent dans l’air aux côtés de motifs floraux qui flottent, eux aussi. Il y a des lueurs psychédéliques à l’horizon, une vision déviante de la nature (dans quelle contrée les arbres sont-ils pourvus de ces coloris-là ?), et un château fort dont les tourelles (inhabituelles, là encore) laissent échapper des éclats de couleurs. Les douves sont pleines de larmes et donnent naissance à une flore éclatante, ce monde-là porte en lui l’influence des illustrations psychédéliques qui faisaient graviter dans un univers (mental ?) parallèle les productions de ces artistes qui, dans les 70’s, ne juraient que par l’anomalie normale des sens, et de ce qu’il était utile d’en faire.

Château doux

Castle of my heart, le château de mon cœur (et dans lequel celui-ci se trouve emprisonné, surtout ?). La formule n’est pas nouvelle mais fonctionne toujours, elle donne un nom au premier album d’un groupe — Midnight Cassette — qui dit faire de la « Brit-French-pop-rock », c’est-à-dire une musique pleine de mélodies aérées, nostalgiques, chantées en anglais (la chanteuse, Amy Winter, est d’origine galloise) et jouée par des Français (Pierre Paturel, Timothée Nicolas, Lucien Chatin).

Castle of my heart ? C’est sur cette image-là, celle du château qui emprisonne le cœur et donc par filiation, les sentiments les plus intenses, qu’Amy Winter a décidé de s’attarder. Chanteuse du groupe, elle a aussi signé cette pochette, elle qui aurait pu, selon son propre aveu, se laisser tenter par une carrière dans la peinture ou l’illustration, mais qui a décidé, plutôt, d’en faire son « passe-temps ». Amy : « J’ai beaucoup été inspirée par le fauvisme et l’impressionnisme et cette utilisation d’un spectre de couleurs arc-en-ciel me plait beaucoup ».

« J’ai choisi de dessiner le château fantastique de l’amour décrit dans le premier titre qui a donné son nom à cet album. Comme modèle, j’ai choisi un château avec des formes assez simples du Pays de Galles — ce château est à l’image du très ancien Harlech Castle sur la côte nord (est) du Pays de Galles, là où habite mon père et ma belle-mère ».

Harlech Castle © Wikimedia / Cadw photograph

Château sang

Là-bas, en terres galloises, les montagnes se dessinent et descendent vers la mer, donnant des allures médiévales aux environs d’un château forcément fantasmagorique — quand les seuls documents visuels qui ressortent d’une époque sont des peintures sans perspectives ni un réalisme trop poussé, forcément, c’est le fantasme qui domine —. Amy dessine ce château, le montre fièrement à la famille, qui lui apprenne alors que ce château fut, jadis, « un lieu construit par les Anglais pour faire la guerre et donc torturer les Gallois. Je me suis senti un peu coupable… » Une histoire violente et sanglante derrière l’image d’un château fort ? 

Heureusement, la flore, très abondante ici, et les teintures psychédéliques, sont là pour compenser le tragique, et rappeler les intentions ludiques d’un disque qui sonne comme une chouette balade un peu bizarre, et non pas comme un grand bain de sang. « J’aime beaucoup les fleurs et motifs des styles psychédéliques du passé (et qui continuent d’être populaire de nos jours !) et j’ai été inspiré particulièrement par un artiste qui s’appelle Félix Vincent qui a fait des pochettes que je trouve magnifiques. Je pense particulièrement à ses pochettes pour Slow Joe and the Ginger Accident (des amis à nous) et Derya Yildirim & Grup Simsek. J’aurais sans doute faire appel à lui si je n’avais pas décidé de faire notre pochette ! »

Un univers doux-bizarre, complexe et très singulier, qui colle avec une musique qu’Amy Winter a également transcrite avec un clip, celui de « Playing with the Devil », où le ton s’oriente plutôt cette fois-ci vers ces collages dont raffolaient les surréalistes, ceux-là même qui aimaient confondre ce que l’on a l’habitude de nommer le réel et le monde, plus fermé et paradoxalement plus ouvert, de l’iréel.

Le son

Une fille au chant et aux origines britanniques (que l’on a également entendu du côté du projet Gloria), quatre garçons aux instruments et  (dont Lucien Chatin, collectionneur de batteries vintage), et une « Brit-French-pop-rock » qui aboutit, sur un premier album sans fautes, à quelques petits tubes indé, dont le très attractif « Playing with the Devil », rencontre, inattendue, entre Jefferson Airplane, Cocteau Twins, Daughter. Minuit, est-ce l’heure du crime ou bien plutôt, l’heure du rêve ?

Midnight Cassette (Facebook / Instagram / YouTube)

Midnight Cassette, Castle of my heart, 2020, Le Pop Club, artwork par Amy Winter