Marilyn Manson x Perou – Heaven Upside Down


On détaillait, au moment de la sortie du neuvième album de Marilyn Manson The Pale Emperor, dont le magnifique artwork reposait sur la photographie de l’Américain Nicholas Cope, l’évolution visuelle conséquente d’un artiste que l’on avait vu muter, en vingt ans de carrière, du grand guignol clownesque des débuts (Portrait of an American Family, Smells Like Children) à la figure hardeuse destructrice et satanique (The Last Tour on Earth, Holy Wood, Lest We Forget…), icône devenue nettement plus fréquentable à l’aube des années 2010 (The High End of Low, Born Villain) avant de se faire carrément modeuse, quoique troublée, sur The Pale Emperor. Maturation certaine.

Contrariétés

Sur cette dernière pochette, sobre et classieux, Marilyn Manson (dont on rappelle qu’il est à la fois le nom de scène de Brian Hugh Warner et le nom du groupe dont il est le leader) posait avec élégance devant l’objectif modeux de Nicholas Cope. En noir et blanc, pâle comme l’empereur que suggérait son titre, le visage de Manson, déstructuré, paraissait porter les stigmates d’une âme tourmentée. On y voyait alors la manifestation par l’image d’une transition sonore, qui avait vu passer l’ancien danger public médiatique numéro 1 d’une Amérique réac et bien-pensante, du gothique glam et indus avec ses paillettes subversivo-grotesques au blues-rock de stade, toujours révolté mais de moins en moins clouté (christiquement parlant).

Ici, via cet artwork proposé cette fois par le photographe Perou (qui avait déjà bossé avec Manson, sur le documentaire God is in the TV), on demeure sur un artiste représenté en noir et blanc, toujours élégant (niveau vêtements, en tout cas), mais le visage visible, cette fois. Sur ce visage, voilà qui est inhabituel, un Manson à la mine inquiète, songeur du moins, comme s’il ne pouvait plus camoufler certaines contrariétés derrière une image (ou un visage, comme sur le précédent album) floutée de la réalité. Un Manson qui aurait donc renoncé ?

Le diable s’habille en Prada

La croix satanique posée, un peu maladroitement, aux côtés de l’Américain, rappelle pour sa part le passé gothique d’un artiste qui, sur cet album, revient quelque peu, effectivement, sur ses premiers amours métalleux (on est loin du blues rock plus classieux de The Pale Emperor), et sert d’illustration, un peu primaire il faut bien le dire, au titre proposé par ce dixième épisode, Heaven Upside Down, c’est-à-dire le « paradis à l’envers ». Croix à l’envers, paradis à l’envers ? Clairement, on a connu Manson plus inspiré. Et un peu plus convaincant, aussi : c’est qu’il nous fait quasiment de la peine, le seigneur des ténèbres, avec ses yeux de chien battu et sa croix satanique à ses côtés, avec cet artwork qui échoue, en tronquant le spleen cérébral élégant pour le pathétique quelconque, là où le précédent avait tellement brillé.

Le son

Plus apaisé sur The Pale Emperor, qui laissait entrevoir un Manson branché blues rock électrique, l’icône trash des années 90-2000 revient, avec Heaven Upside Down, sur des tonalités plus identifiables, celles, très électriques, lourdes et métalleuses (l’entrée « Revelation #12 » fait carrément référence à la période Golden Age of Grotesque), et même carrément gothiques, si l’on en croit les choix visuels du clip de « SAY10 » (avec Johnny Depp), avec l’attirail mansonien d’un autre âge de retour (torses dénudés, croix sataniques, obscénités avec maquillage grotesque…) Inattendu, ce come-back à des temps si anciens. Mais dans l’esthétique qui lui est propre, très réussi.

Marilyn Manson (Site officiel / Facebook Twitter)

Marilyn Manson, Heaven Upside Down, 2017, Loma Vista Recordings, 47 min., artwork par Perou