JUL x Koria – Je ne me vois pas briller


Il y a deux ans, le Français Denis Rouvre mettait en scène, via cette photo destinée à devenir la pochette de To Pimp A Butterfly, troisième album de King Kendrick Lamar, une vingtaines de niggas étalés, billets de banque dans les mains, tétons à l’air, chaînes en or et bouteilles ouvertes, sur la pelouse de la Maison-Blanche. Impact frontal pour message forcément politisé : on faisait référence, via cette image coolos et provocatrice, aux violences policières qui touchaient, depuis des mois déjà, la communauté noire au pays de l’Oncle Sam et de l’oncle Donald (lui n’était pas encore au pouvoir, mais son ombre commençait déjà à se dessiner). Black power.

Kendrick Lamar x Denis Rouvre – To Pimp A Butterfly (2015)

Ersatz

Référence assumée par le rappeur lui-même (ce qui évitent à certains de hurler au plagiat honteux…), la pochette de Je ne me vois pas briller, le nouvel album de JUL, reproduit la même logique que la pochette du Kendrick. Sauf que la Maison Blanche a été remplacée par un panorama de la cité phocéenne avec la basilique Notre-Dame-de-la-Garde qui domine le tout, et que c’est la team JUL, avec le signe du rappeur affiché par la plupart des protagonistes excités du tableau, qui se trouvent à leur tour étalés au pied de la ville qui a vu l’« OVNI » émerger ces dernières années. La référence au titre du disque, lui, est trouvée via ce coucher de Soleil que l’on constate, en train de s’effectuer derrière le tableau. Brillant.

Autre différence, notable, entre le travail de Denis Rouvre et celui de Koria, graphiste et designer côté dans le game (auteur notamment des magnifiques pochettes de SCH ou Deen Burbigoqui a signé cet artwork-là : si la pochette du Kendrick a instantanément intégré, par la force symbolique de son audace politique, le Panthéon des plus grands artworks marqués hip-hop ricain de tous les temps, celle de JUL, parce que le fond photoshopé est bien trop net et que la petite bande s’avère bien trop poseuse pour donner la sensation d’une légitimité quelconque, tombe pour sa part complètement à l’eau (dans celle du Vieux Port, sans doute). Et donne l’impression, plutôt que d’un crew tout puissant honorant son leader, saint patron de sa propre cité, d’une photo prise à la fin d’une colonie de vacances itinérante avec dernier passage obligé par la grande ville de Marseille…Cheese.

Le son

Autotune, auto-glorification, auto-domination, toujours, revendiquée sur cette ville de Marseille dont il se fait décidément le nouveau parrain. Jul « ne se voit pas briller ». Mais vu les chiffres stratosphériques qui accompagnent chacune de ses productions, il semblerait bien que d’autres le fassent pour lui…

JUL (Facebook / Twitter / Youtube / Instagram)

Koria (Site officiel)

JUL, Je ne me vois pas briller, 2017, Believe Recordings, artwork par Koria