John Grant x Gil Corral – Boy from Michigan


Coiffé d’une couronne en papier sur la tête (Queen of Denmark), photographié en intellectuel soucieux et buveur de café (Pale Green Ghosts), habité par une force occulte (Grey Tickles, Black Pressure) ou vêtu des plumes d’un oiseau avec la tête enfermée dans une cage (Love is Magic), le chanteur américain John Grant a peuplé sa discographie intense, cathartique et folk de pochettes loufoques. C’est kitsch, ce n’est pas forcément très beau, ça formule les idées d’un esprit bien décalé.

Œil pour œil

Boy from Michigan, disque marqué pop progressive, folk électronique, danse parfois, infiniment introspectif, est son album “le plus autobiographique à ce jour”. Il y raconte son enfance dans le Michigan (le titre « Boy from Michigan », qui ouvre le disque, est un chef-d’œuvre), la difficulté d’y être homosexuel et de se présenter en tant que tel, son départ pour l’Europe, offre un regard acerbe, lucide et méchant sur l’Amérique trumpiste et ses obsessions capitalistes, ses dérives sectaires. Un album politique qui ne fait pas de politique au sens premier du terme. Un album sur ce qu’implique l’idée d’être différent lorsque cette différence n’est pas nécessairement bien comprise par votre entourage et votre environnement le plus proche. L’album de quelqu’un qui a beaucoup souffert et qui, allez savoir, souffre sans doute toujours beaucoup.

John Grant © Hörður Sveinsson

Afin d’illustrer ce cinquième album, une nouvelle fois paru chez Bella Union, ce songwritter américain installé en Islande a décidé d’axer cette fois l’image sur son visage, et de focaliser l’attention sur les yeux puisque ceux-ci sont, paraît-il, le miroir de l’âme.

Velours

Depuis Reykjavik, John Grant joint alors le Maine et Gil Corral, un artiste dont il aime le travail et qui pratique la “peinture sur velours”, dont sa femme (madame Corral donc) nous précise, par mail, qu’il s’agit-là d’un véritable “travail d’amour” puisque, contrainte inhérente au matériau en lui-même, Gil “ne peut faire ni erreurs, ni ajustements une fois que le pinceau a touché le velours. Il ne peut rien modifier, le processus est donc très réfléchi”.

Un travail infiniment minutieux au service d’une image dont le plus grand défi a été, et on comprend bien l’enjeu, “de trouver comment reproduire la peinture avec une sensation de velours pour la couverture de l’album”. L’autre défi fut, bien entendu, de mettre en images ce que John avait en tête (il semblerait que ce qui circule dans l’esprit du garçon soit un peu complexe). John souhait de la nostalgie alors, Gil le lui en a donnée. Et a éclairé le visage de John comme s’il s’agissait d’un “manège de carnaval”. 

Sur cette pochette de disque, l’œil de John Grant donne l’impression d’exploser, c’est un éclat qui donne une intensité plus probante encore à un visage qui semble avoir été découpé et posé, tel quel, sur un trou noir forcément évocateur, là encore, d’une nostalgie latente.

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John en tout cas, adore. Il a laissé ce mot plein de reconnaissance à Gil et à sa femme, un mot qu’ils ont tenu, sympa, à nous partager. On vous le partage ici en langue originale (c’est de l’anglais) mais on vous le résume quand même en quelques mots : c’est vrai que la peinture sur velours, c’est un peu ringard et que d’habitude on associe cet art-là à des licornes ou des caniches, mais il n’empêche qu’il est vraiment ravi du résultat, John Grant.

« People ask me ALL the time who did these amazing paintings. Oh man, you cannot imagine how overjoyed I am at how the paintings turned out and how beautiful they look – I had people telling me “well it’s cute you like this cheesy art form, but…” and I was like, “well, black velvet may have that rep with the sad clown pics and the unicorns and poodles etc. but to me, ME personally, it’s high art because it’s what I love, not to mention the fact that it is high art ANYWAY because of the skill involved in working in this medium and I just kept pushing it through and when people saw your paintings they were like, “uh… WOW, uh, yeah, you were right. He is amazing and these paintings are amazing.” So yeah, couldn’t be more pleased and so happy that you’re doing what you’re doing« .

John Grant (Site officiel / Facebook / Twitter / YouTube)

Gil Corral (Site officiel / Twitter / Instagram)

John Grant, Boy from Michigan, 2021, Bella Union, 1h15 min., artwork de Gil Corral