Obsessionnel du sample “sonore”, dont il use une fois encore avec boulimie sur cet album collaboratif avec le rappeur Danny Brown (de la techno de Cybotron à LL Cool J, du boys band *NSYNC à Kanye West, de Michael Jackson au gospel de James Cleveland feat. The Angelic Choir…), le producteur et rappeur JPEGMAFIA a également pratiqué l’art du sampling pour la constitution de la pochette de ce disque qu’il a lui-même illustré.

Blaxploitation

Car cette mise en scène, où c’est une croix christique qui cadre le tableau, reprend directement ce qui avait été créé au moment de la sortie du film Sweet Jesus Preacher Man de Henning Schellerup en 1974. Dans ce film étiqueté Blaxploitation (des films qui, dans les années 70, mettaient en vedette des héros noirs au cœur d’intrigues souvent policières et portées par des bandes-sons funk et soul), on suit l’histoire d’un tueur à gages infiltré dans une section du centre-ville… sous les habits d’un prédicateur baptiste.

Sur l’affiche, et comme souvent avec les films de la Blaxploitation, c’est littéral : le prédicateur en question au centre de l’image avec une bible dans une main et un flingue dans l’autre, le héros qui tabasse les méchants, une voiture de police, une fille à la coupe afro et aux jambes dénudées… les codes du genre sont là, de même que cette accroche postée juste au-dessus du flic infiltré dans des habits de religieux : “Amen, brother”.

Amen

Au moment de concevoir la pochette de Scaring the Hoes, où le rap se mélange avec l’hyperpop, le dubstep, le néo-métal, JPEGMAFIA ne changera finalement pas grand-chose par rapport à l’affiche originale de Sweet Jesus Preacher Man.

Tout juste se contentera-t-il de remplacer le visage de Roger E. Mosley (le flic infiltré) par une photo de lui-même, avec son bandana façon gangsta rap enroulé autour du crâne, et d’ajouter un portrait en pied de Danny Brown, un gun dans chaque main et un sourire bien large sur le visage.

Plus drôle encore, la pochette alternative de l’album proposée par Bandcamp, où il n’est cette fois question ni de prêtre à la gâchette facile ni de filles aux réputations faciles, mais à un duo, improbable et qui renvoie indirectement au duo Danny Brown & JPEGMAFIA… de l’Américain Donald Trump et du Nord-Coréen Kim Jong-un. Une photo issue de la rencontre, en juin 2019, des deux dirigeants, qui avaient alors posé pour l’histoire au sein de la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées.

Un duo qui fait décidément recette, puisqu’on l’avait vu utilisé il y a quelques années par l’illustrateur bruxellois Elzo Durt pour la pochette de Ddamage, façon rencontre entre Godzilla et l’un des Kaijūs tellement populaires dans la culture nippone. Les tyrans d’un côté et les absurdes de l’autre : le monde, toujours, peut se diviser en deux catégories.

Danny Brown (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / YouTube)

JPEGMAFIA (Site officiel / Instagram / Twitter / YouTube / Facebook)

Danny Brown & JPEGMAFIA, Scaring the Hoes, 2023, AWAL Recordings America, 37 min., cover art by JPEGMAFIA