Father John Misty x Pari Dukovic – God’s Favourite Customer


Joshua Tillman semble pensif, sur le nouvel artwork de son album. Sous l’alias Father John Misty, il pose, le regard dans le vague, l’air désabusé. À mi-chemin entre le Heroes de David Bowie et le Because the Internet de Childish Gambino, la cover de God’s Favourite Customer est beaucoup plus simpliste que la précédente. Issu du shooting de Pari Dukovic, photographe new-yorkais également responsable de l’identité visuelle du récent Blitz, d’Étienne Daho, le cliché est la source de multiples interprétations.

Etienne Daho x Pari Dukovic – Blitz (2017)

Consternation

La main sur le front rappelle d’abord le facepalm. L’expression, aujourd’hui antique meme, exprime la consternation, aux multiples causes, des sujets dont parle l’album. Reconnu pour son songwriting (trop) riche et acerbe, Father John Misty s’attaque cette fois aux religions et à la société de consommation, comme le laisse deviner le titre de l’album. De quoi dépeindre, sans subtilité, un pays aux mœurs paradoxaux que l’artiste semble juger, aussi bien depuis sa pochette que dans ses textes : « Look out, buddy, Noah’s coming / Jesus, man, what did you do ? / Psychic terrorists / In the upper room ». En dépit des discours universels qu’il tenait déjà dans Pure Comedy, Father John Misty prend toujours un malin plaisir à parler de célébrité. Il mentionnait l’an dernier Taylor Swift, dans un contexte on ne peut plus glauque, dans sa chanson « Total Entertainment Forever » (« Bedding Taylor Swift / Every night inside the oculus rift / After mister and the missus fnish dinner and the dishes »), et s’essaye cette fois, en toute logique, à l’introspection.

Ses détracteurs crieront à l’égocentrisme, aussi bien pour la démarche de fIgurer de la sorte du l’artwork de son album que dans celle de faire une chanson sur soi-même, mais Joshua Tillman se veut pourtant honnête en faisant état des difficultés de son statut. À travers « Mr Tillman » et « The Songwriter », au cours desquelles il parle indirectement de sa vie, Father John Misty se confie. Sur ce qui pourrait être son alcoolisme, en imaginant un dialogue entre un concierge d’hôtel et un certain « Mr Tillman » (« Would you like a regalo on the patio ? / Is there someone we can call ? / Perhaps you shouldn’t drink alone »), et sur les rapports entre son métier et sa vie personnelle, dans « The Songwriter ». Tant de thèmes abordés dans God’s Favourite Customer, symbolisés par les couleurs se reflétant sur son visage, par l’opposition du bleu et du rouge, rendant cette photo pleine de sens. Pourtant, dans une démarche plus légère, Father John Misty se joue de la référence au meme de son artwork. Annoncé le 18 avril, l’album a leaké le jour même, ayant été disponible sur Apple Music quelques instants. Plutôt que d’insulter son public, comme l’avait fait Lana Dey Rey en 2017, Joshua Tillman a préféré poster sur Facebook cet artwork, sur lequel figurait le message « When your album leaks a month early ».

Le son

Passé par de nombreux groupes, dont Fleet Foxes, qu’il a quitté en 2012, Father John Misty a le sens de la productivité. God’s Favourité Customer est son quatrième album sous ce nom, seulement un an après l’exhaustif Pure Comedy. Fidèle à lui-même, il profite toujours de titres à rallonges, presque comme une blague récurrente, cette fois avec « We’re Only People (And There’s Not Much Anyone Can Do About That) ». Toujours à mi-chemin entre second degré et fatalisme, ses textes, également à rallonge, restent complets et font prospérer sa réputation de songwritter sans pitié. Avec des mélodies mélancoliques, plus que de véritables ballades, Joshua Tillman s’essaye aux vocalises aiguës, dont l’exercice rappelle les performances (et la production en général) de Josh Homme sur l’album des Queens Of The Stone Age …Like Clockwork. Un album plus concis, mais pas moins réussi que le précédent.

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Father John Misty, God’s Favourite Customer, 2018, Sub Pop / Bella Union, artwork by Pari Dukovic