Yasmin Williams x Louis Munroe — Urban Driftwood


Que voit-on lorsque l’on lève les yeux vers les nuages, et qu’on y laisse traîner le regard ? Et que voit-on lorsque ces nuages, c’est à travers le reflet de l’eau qu’on en devine la nature, miroir déformant qui ne transmet qu’une vision indistincte, changeante et très floue du sujet d’origine ? Louis Munroe a légué cet instantané, qui pourrait être une photo prise au bon moment comme une peinture reproduite minutieusement, à la guitariste Yasmin Williams, jeune artiste américaine (elle est âgée de 24 ans) qui frotte les cordes de guitare pour en faire jaillir des logiques nouvelles, elle qui, dans un pays où les guitaristes sont souvent des hommes blancs de plus de cinquante ans, est une jeune afro-américaine qui n’a pas passé la trentaine.

Rorschach

Dans ce miroir d’eau, on se perd donc, on s’isole et on voit ce que l’on a envie de voir. Comme un test de Rorschach, mais proposé, de manière intuitive, par la nature elle-même ? Pourquoi pas mais dans tous les cas, en associant une musique aussi contemplative, émotive, sensorielle et dénuée de paroles — ici, ce sont les guitares, kalimba et autres, qui chantent — à une image aussi libre d’interprétation, Yasmin Williams choisi, sur la pochette de son disque Urban Driftwood, de suggérer l’idée de liberté la plus totale. Que voyez-vous ? Une tache d’encre… ou la réponse à des questions que l’on ne s’est peut-être pas encore tout à fait posées.

Yasmin Williams

Le son

Parcours atypique que celui de cette guitariste qui a fait ses gammes sur le jeu vidéo Guitar Hero 2 (niveau expert !) et qui finit, sur cet album qui n’a rien d’urbain malgré ce que suggère son nom — Urban Driftwood — par s’associer au griot et musicien Amadou Kouyate. Cette jeune américaine a récemment appris la kora (l’instrument de musique à cordes originaire du Mali que l’on trouve dans toute l’Afrique de l’Ouest), poursuit son apprentissage de la kalimba et favorise définitivement la guitare acoustique à l’électrique, elle qui a grandi en vouant un culte bien légitime lorsque l’on est guitariste à l’américain Jimi Hendrix. Musicienne virtuose, compositrice inspirée, Yasmin Williams, originaire de l’État de Virginie du Nord, raconte, sans paroles, les préoccupations du Moi intérieur comme le mouvement Black Lives Matter, au sein d’un disque terminé durant l’isolement lié à la pandémie de Covid-19. Un souffle de liberté d’espérance au sein d’un monde à la dérive.

Yasmin Williams (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / YouTube)

Louis Munroe (Site officiel / Instagram)

Yasmin Williams, Urban Driftwood, SPINSTER, 2021, 46 min., artwork de Louis Munroe