Yalta Club x Akatre – Hybris


« L’hybris », en grec ancien, renvoie à l’idée de « démesure », de « passion » (dans le sens obsessionnel du terme), de ce sentiment violent qui, dans le cas le plus extrême, peut impliquer l’acte de punition vengeresse. Ainsi, le visuel d’Hybris, le premier album du Yalta Club (cinq garçons, une fille, beaucoup d’énergie, et un attrait manifeste pour la mythologie grecque), se colore de rouge, comme la passion sanguine qu’implique le terme originel, et comme cette matière que l’on voit dégouliner du visage fermé de ce barbu aux épaules larges, aux yeux fermés et à la barbe particulièrement conséquente. Barbu qui se trouve être le barbier de l’un des membres d’Akatre, ce qui ne s’invente pas.

Ce visuel, c’est donc l’agence Akatre qui s’en est chargée, elle que l’on avait déjà vu associé aux albums, tous d’une élégance visuelle folle, d’Aaron, de Benjamin Clementine, de Jérôme Echenoz, d’Alexandre Chatelard, et également aux deux dernières sorties de Yalta Club, l’EP Midas et le single Stars, deux visuels, déjà, envisagés à travers le prisme du portrait coupé au niveau du buste (ou carrément du cou pour Midas) et le visage intégralement recouvert. Leitmotiv.

L’obsession des visages déformés

Visages recouverts, et donc, visages déformés. C’est Yalta Club qui prend contact avec l’agence, mais c’est Akatre qui suggère l’idée des portraits dégoulinants. Et qui met à disposition son studio de Saint-Ouen, pour que le groupe puisse se faire photographier, intégralement (ça fait du monde…), le visage recouvert comme pour camoufler une identité incertaine.

Cette idée-là, aussi, parce qu’intuitivement, déstructurer des visages, c’est un créneau que le studio connaît particulièrement bien. On l’avait vu via l’artwork réalisé pour le We Cut the Night d’Aaron (et dont les visages, comme chez Midas, paraissent recouverts d’or), et on peut trouver des dizaines d’autres exemples en fouinant dans l’œuvre visuelle d’Akatre (ou en regardant sur les murs de leur studio…) Que l’on se veuille symbolique, absurde, ou simplement très esthétique, peu importe : on colle quelque chose là où il devrait y avoir un visage, collages dans le réel le plus souvent effectués à partir de corps bien connus des membres du studio, puisqu’il s’agit des leurs. Le psychanalyste qui accueillera l’un des trois sur le divan de son cabinet privé, et qui en viendra à prendre connaissance de ce travail-là, aura sans doute quelques pistes enrichissantes à approfondir…

Ce sera une fois encore le cas pour le visuel de Blck Rck, le premier album que sort bientôt Akatre en son nom propre (électro planante, rêveuse et patiente), et qui viendra compléter un éventail de talents artistiques déjà proprement impressionnant (graphisme, design, photographie, installation, réalisation…), à l’occasion de la sortie de ce disque dont, promis, on parlera très prochainement. Teasing : c’est une dinde, cette fois, qui remplace le visage de celui qui préfère camoufler sa figure derrière un animal malodorant (parce que décédé) plutôt que de dévoiler les traits de sa face la plus visible…

Akatre – Black RockL

Le son

Euphorique et introspectif, explosif et pensif, linéaire et tordu, mélodique et nuancé, le premier album du très remuant Yalta Club fait le tour de ce que qu’implique aujourd’hui la possibilité d’électro pop, et lance quelques petits tubes soignés (« Stars », « Of Mice and Gods », « Love ») en guise de base à l’un des très bons disques du genre de ce début d’année. Joignons ce club-là, l’air y est bon.

Yalta Club (Site officiel / Facebook / Twitter / Youtube / Soundcloud)

Akatre (Site officiel / Facebook / Twitter)

Yalta Club, Hybris, 2017, Popes Autoproduction, 39 min., pochette par Akatre