Thylacine – Transsiberian


Thylacine – Transsiberian

Nécessiteux d’horizons nouveaux pour élaborer sa musique de la plus efficace des manières, Thylacine a composé son premier album à bord du Transsibérien, cette ligne ferroviaire immense bâtie à la fin du XIXe siècle afin de relier les deux extrémités de l’ancien Empire Russe, et qui longe aujourd’hui le plus vaste pays du Monde, de sa capitale Moscou à Vladivostok, à la frontière sud-est du territoire. À 23 ans, déjà, le voyage d’une vie.

À l’intérieur de sa cabine (où il a passé plus de 160 heures…), ou en excursion dans quelques contrées glaciales et quasiment désertiques d’une Sibérie dont il aura visité certains villages isolés, William Rézé aura passé au total 2 semaines à assembler ces captations d’un réel tellement lointain et ces productions qui savent mélanger, depuis un premier EP très remarqué en 2013 (Intuitive, avec Camille Després au chant) l’electronica vertigineuse et la house cotonneuse.

9 000 kilomètres, 1 ligne

Naturellement, et parce qu’il représente la moelle épinière du projet, c’est à cet audacieux et téméraire périple que cet étudiant des Beaux-Arts d’Angers, qui se charge depuis le début de l’intégralité de ses visuels, a choisi de consacrer la pochette de ce premier album nommé de la même manière que ce moyen de locomotion romanesque (Transsiberian donc).

Ainsi, si les précédentes œuvres graphiques de cet étudiant des Beaux-Arts d’Angers s’avéraient d’abord esthétiques et avaient pris le parti de constitutions purement géométriques (les singles Pleasure ou Antidote, les EP Blend ou Exil…), ce visuel-là se fait le miroir immédiat et évident du propos qu’il illustre, et propose tout simplement le tracé, sobre et minimal, de ce chemin parcouru sur les 9 288 km reliant Moscou à Vladivostok.

Bleu roi et blanc froid 

L’œil se pose ainsi sur cette ligne bleutée, de plus en plus foncée au fur et à mesure qu’elle s’engouffre dans le pays, isolée afin de dire que les territoires parcourus le sont aussi les uns des autres, une ligne fidèle au tracé habituellement utilisé sur les cartes et simplement accompagnée par un fond blanc virginal (les couleurs sont inversées dans l’édition Deluxe), comme une manière de représenter le climat glacial que l’on attribue (à juste titre semble-t-il) aux terrains parcourus par le plus long réseau ferroviaire de la planète.

trassiberianroutes

Le son

Accompagné par les caméras de France Télévisions (et par un traducteur russe…), qui ont pu filmer l’audacieux voyage du jeune Angevin à travers l’ancien territoire soviétique (une série de 10 vidéos prises durant le voyage accompagne la sortie de l’album), Thylacine confirme sur ce premier LP documentariste et lyrique toutes les attentes qu’avaient pu susciter ses 3 premiers EP, et surprend même par son audace et par sa faculté à faire dialoguer, sans toutefois les singer (le risque était grand), des cultures aux horizons tellement éloignés. Entre l’ultrascore visionnaire de Chassol et l’electronica décomplexée de Rone, l’un des très grands albums électroniques de l’année. Et pas seulement en France.

Thylacine (BandCamp / Facebook / Twitter / YouTube / SoundCloud)

Thylacine, Transsiberian, 2015, Intuitive Records / Novaglie, 40 min., pochette par William Rézé