The Murder Capital x Matt de Jong – When I Have Fears


Deux silhouettes dans la brume, ou peut-être dans une tempête, conséquente directe d’un phénomène naturel menaçant et qui pourrait bien emporter, sur son chemin, tout ce qui se tient actuellement debout. Deux silhouettes mais une seule forme, quasiment compactes et fusionnées, car ces formes, humaines, se sont blotties l’une contre l’autre, protégées des éléments extérieurs par un bout de tissu (parka, K-Way, serviette, on ne sait pas trop) autant que par la chaleur, humaine encore, cette promiscuité des corps qui ne réchauffe pas simplement lorsque l’air est frais dans le dehors. C’est que lorsque la peur domine, c’est vers l’épaule de l’autre que l’on se dirige.

Deuil

Et de la peur, il y en a eu beaucoup au cours des derniers mois – ceux qui ont vu la confection du premier album du groupe – dans la vie des membres de The Murder Capital. La peur la plus ordinaire du monde, celle liée aux idées de disparition, de deuil, de décès, comme la mort de cet ami proche du groupe ayant décidé de mettre fin à ses jours, un ami dont la décision, tragique, a donné le nom à ce projet nommé comme une oraison funèbre longiligne que l’on souhaite poursuivre au-delà des moments qui lui sont spécifiquement réservés. Le morceau « Green & Blu » rend également hommage à ce camarade qui a pris la décision de s’en aller, alors que le titre « Don’t Cling to Life », lui, est dédié à la mère de l’un des musiciens, décédée elle aussi durant l’enregistrement de l’album. Spirale peu positive.

Est-ce donc le risque, lorsque l’on profane le tombeau de Joy Division et d’Ian Curtis (lorsque l’on parle de post-punk ombrageux en provenance du nord, complexe de ne pas mentionner l’ascendance du pharaon Curtis), de se retrouver avec un entourage qui défaille ? Souhaitons que la malédiction, pour ces Irlandais mené par un chanteur, James McGovern, un peu poseur en live et excellent songwritter en privé, cesse de prendre de l’ampleur. Et que la sentence cesse. Ou alors, il restera le punk, et l’exutoire exultant qui a réussi à tant de leurs prédécesseurs.

Illustré par la photographie et le design graphique de l’excellent Matt de Jong, vu déjà aux côtés de pointures (Vampire Weekend, Deerhunter, Darkside, Bonobo, Mura Masa, Lee Ranaldo…), le premier album de The Murder Capital porte en lui une idée toute simple : c’est aux côtés des autres, dans la chute, qu’il est encore possible de se faire le moins mal. Et surtout, de se relever.

Le son

Existe-il, à Dublin et en République d’Irlande, un climat actuel favorable à la résurgence d’un punk curtisien (du nom du chanteur de Joy Division, qu’on avait retrouvé pendu chez lui quelques jours avant la sortie du second album du groupe, Closer), c’est-à-dire mancunien de la fin des 70’s et du début des 80’s, sombre, névrotique et habité par des tensions dangereusement palpables ? Après l’émergence il y a quelques années des furieux membres de Girl Band et plus récemment de Fontaine D.C. (des proches du groupe), voilà donc désormais The Murder Capital, projet là encore marqué « post-punk » aux morceaux administrés par un esprit qui prend son temps pour correctement se manifester (certains titres, sur le disque, durent plus de six minutes), et toujours porteurs d’un mal-être très baudelairien : c’est qu’il paraît y avoir, chez The Murder Capital, une fascination pour ce qui abîme, ce qui rouille, ce qui écorche. Spleen, idéal… et punk capital ?

The Murder Capital (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / YouTube)

Matt de Jong (Site officiel / Instagram)

The Murder Capital, When I Have Fears, 2019, Human Season, artwork par Matt de Jong, 45 min.