The Madcaps x Martin Parr – Hot Sauce


The Madcaps x Martin Parr – Hot Sauce

Pour illustrer son 2nd album Hot Sauce, idée géniale et judicieuse, les Madcaps ont eu le privilège de pouvoir utiliser le travail de Martin Parr, le photographe mancunien le plus drôle de sa génération (il est né en 1952) et membre de la prestigieuse coopérative photographique Magnum Photos (fondée par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson et Savid Seymour, entre autres) depuis 1994.

Martin Parr - New Brighton

Martin Parr – New Brighton

Punk qui tâche et photo qui sauce

Le visuel utilisé ici, au profit de ces Rennais qui font décidément honneur à leur nom (« the madcaps », c’est-à-dire « les insensés » ou « les écervelés »), est tiré d’une série recensée sur un ouvrage remarquable (The Last Resort, Promenade Press, 1986), qui s’intéresse de près aux environs – peu glorieux – de la plage du New Brighton, station « balnéaire » du nord-est de l’Angleterre. La photo originale, à peine recadrée et sur laquelle l’on a juste pris soin d’ajouter les formalités d’usage (nom de l’album et nom du groupe), capte l’instant, décisif, d’une armée de vacanciers lancée à l’assaut d’une enseigne de restauration rapide dont la spécialité paraît être, si l’on se base sur ce que l’on voit, le célèbre hot-dog.

D’où l’association à ce Hot Sauce, puisque les protagonistes du premier plan – des vieilles, des jeunes, et des entre les deux – sont justement en train d’étaler ketchup, mayo et moutarde sur le plat tant désiré. Derrière elles, une file s’impatiente. Image ordinaire pour les uns. Image d’angoisse pour les autres (pour les Madcaps notamment, si l’on se réfère à la typographie « horrifique », coulante et rouge utilisée afin de transcrire le nom de l’album…)

L’anti La Chapelle, l’anti Ken Loach

Visiblement très intrigué par les populations qui s’entassent autour des espaces ensablés, Parr a également consacré une série similaire à l’affreuse ville balnéaire de Benidorm, dans le Sud de l’Espagne. À la fois anti David La Chapelle (les couleurs flashy et les exubérances scéniques sont là pour railler la haute société) et anti Ken Loach (le prolétariat est ici vu sous son apparat le plus risible), le travail faussement misanthrope et vraiment critique de ce fossoyeur du banal s’est ainsi concentré longtemps sur les occupations des classes populaires (le tourisme de masse, les plages blindées, les vacances dérisoires…) avant de s’intéresser, plus durement encore, aux membres gentrifiés des upper class pailletées (en Angleterre, mais aussi en France).

Les Madcaps, eux, et après un visuel déjà remarqué lié à leur premier album éponyme (signé par le graphiste Lou L’enfer), font résonner la dérision, l’ironie et l’universalité inhérente à l’œuvre photographique de ce témoin du vide, avec le son, désinvolte et capricieux, inhérent à ce second album qui sent bon les refrains d’hier et les excès de demain. Rien n’est sérieux, bordel.

The Madcaps x Lou L'enfer x Nothing To Do

Le son

The Madcaps, qui nous avait donné la possibilité de jeter une oreille à leurs influences en nous réalisant une mixtape bourrée de pépites psyché et sucrées-salées, refont avec Hot Sauce ce qu’ils étaient déjà formidablement parvenus à faire avec leur premier album éponyme : c’est-à-dire faire dialoguer, sans que cela sonne daté, les mélodies rafraichies des boys band sixties et les guitares fuzz des punk seventies. Un punk qui tâche, qui nourrit, et qui fait du bien là où ça passe. Avec un nom d’album pareil, on s’en doutait.

The Madcaps (Site officiel / Facebook / BandCamp / Youtube)

Martin Parr (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / Artsy’s Martin Parr page)

The Madcaps, Hot Sauce, Howlin Banana Records, 2016, pochette par Martin Parr