Temples x Laura Allard Fleischl x Delaney Jae Williams — Hot Motion


Ambiance lynchienne et baroque pour ce troisième album de Temples baptisé Hot Motion, disque dans lequel le groupe revendique le clair-obscur, autant sur la mélodie de ses morceaux que sur l’iconographie de son artwork. « Nous avions l’impression que quelque chose de plus sombre se dégageait de ce que nous produisions », affirme à ce sujet James Bagshaw, chanteur et guitariste du groupe originaire de Kettering, en Angleterre.

Manichéisme ?

Et le parti pris par le groupe britannique, toujours marqué d’un look seventies extrêmement confirmé par sa propre musique, s’accentue encore avec cette pochette dont l’élément central (la photo du groupe, signée Laura Allard Fleischl) est entourée d’un cadre graphique rouge, de la même manière qu’une huile sur toile serait encadrée, dans un musée, d’un encadrement en bois. Dans un décor en demi-teinte se dessine ainsi derrière les trois anglais un tableau qui fait écho à une mythologie non équivoque et manichéenne d’un bien et d’un mal désavoué.

Temples © Laura Allard Fleischl
Temples © Laura Allard Fleischl

Cette toile, clairement méphistophélique (selon Méphistophélès, le démon qu’on voit apparaître dans Faust), laisse entrevoir un ange entouré de plusieurs démons : c’est l’apparente candeur, pourvue d’une aura blanchâtre, entourée par la transgression la plus vive.

L’ambiance, en deux tons plastiquement très marqués, héritée des albums précédents, transpire par ce décor aux accents baroque. Une trace lynchienne dans un décor aux valeurs pourpres qui aurait pu être capturé entre la Chapelle Sixtine à Rome et le club du Silencio à Paris, et démontre la volonté en demi-teinte des artistes.

Cette pochette de Hot Motion, elle marque une rupture très nette avec les précédents visuels du groupe. Clairement figurative, cette pochette-là laisse sur la première de couverture une place plus importante à la peinture qu’au symbole du trio, cette croix musicale et certainement agnostique, prédominante sur les pochettes précédentes (Volcano par exemple, sorti en 2016) que l’on retrouve toujours néanmoins, en bichromie sur l’autre face de l’album cette fois. L’intention, pour Temples, est claire : marquer un sillage iconographique depuis la naissance du groupe.

Temples x Abbie Stephens, Zoë Maxwell — Sun Structures (2014)
Temples x Delane Joe Williams — Hot Motion (single) (2019)

Le son

Hypnotique. C’est le mot que l’on emploierait si l’on pouvait qualifier la teinte musicale de cet album qui s’écoute, l’impression de boucle aidant, sans qu’une rupture très nette apparaisse entre les morceaux, un enchaînement certain sur la voix aigüe de James Bagshaw et une sonorité sans surprises. Le disque, et comme cela se dessine depuis les débuts du groupe en 2012, s’inscrit dans la plus pure tradition d’une pop anglaise qui puise autant dans les années 60 (l’expertise mélodique) que dans les années 70 (les fumées psychédéliques) pour concevoir son propre son. Le morceau, « You’re Either On Something », le deuxième de l’album, marque cette volonté nettement « clair-obscuriste » que l’on notait pour la pochette (« It was three hours after midnight – Rekindled youth was on your side »), alors que d’autres, comme « Holy Horses » (« Holy Horses lightin’s the wind – Burning up my sorrows, buryin’s my sins ») se font presque humoristiques dans leur interprétation, et résonne avec une gaieté que l’on n’attendait pas forcément. Hot Motion est un disque sombre et léger. Anglais ?

Temples (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / YouTube / Soundcloud)

Laura Allard Fleischl (Site officiel / Instagram)

Temples, Hot Motion, 2019, ATO Records / [PIAS], 46 min., artwork par Delaney Jae Williams (art direction, design) et Laura Allard Fleischl (photographie)