Sparks x Elaine Stocki x Galen Johnson – Hippopotamus


Un groupe étiqueté « pop music » (multiple et variante, mais pop quand même), formé au début des années 70 du côté de Los Angeles et de la Californie, et qui illustre son nouvel album avec la photo d’une piscine, réchauffée par un soleil que l’on devine bien présent ? Impossible de ne pas voir ici, chez les Sparks et sur la pochette d’Hippopotamus une référence au Britannique David Hockney, figure majeure du pop art pictural, lui qui, avec la confection de ses piscines bleues et géométriques, oisives et paisibles, a offert une Image d’Épinal pérenne à cette Californie chaude et ensoleillée, carte postale qui devait survivre aux années 60, et s’imposer durablement, à tel point que, visuellement parlant, lorsque l’on pense « Californie » dans la culture populaire, on pense piscine à la Hockney. En musique, nombreux sont ceux qui l’ont d’ailleurs déjà utilisé, cette référence évidente, des Cure à Mr. Oizo, de Ricky Hollywood à Metronomy, des Red Hot à Best Coast.

Swimming Pool

Tout en effet, chez ce travail signé par le duo Elaine Stocki (pour la photo) et Galen Johnson (pour le design graphique), suggère Hockney : la piscine au premier plan, le reflet du monde dans le bleu de l’eau, les formes géométriques qui, en arrière-plan, délimitent le havre de ceux qui aiment se faire dorer la pilule, et passer le temps sans s’en préoccuper. Une référence plus accentuée encore, lorsque l’on a précisément en tête les piscines peintes par Hockney, et que l’on se souvient de ses plus célèbres réalisations. Ron & Russell Mael, les deux fondateurs des Sparks qui viennent tous deux de Los Angeles mais ont connu leurs premiers succès à Londres (soit le chemin inverse d’Hockney, natif de Bradford, North England, mais qui connut le succès en arrivant à LA), ce sont ainsi sûrement rappelés de Portrait of an Artist, cette toile qui anticipe la séparation d’Hockney avec son amant d’alors, Peter Schlesinger.

David Hockney – Portrait of an artist

Sur cette toile de 1972, David Hockey y figurait alors sa muse Peter Schlesinger (« David vivait une grande romance avec la Californie, je n’en étais que l’objet », assurera-t-il plus tard), habillé à la mode californienne, en train de regarder un autre homme nageant au fond d’une piscine. Cet homme, c’est Eric Boman, le nouvel amant de Schlesinger, objet du désenchantement amoureux de l’artiste, qui a rapidement su qu’il préférait, et son oeuvre en témoigne largement, les garçons aux filles. Un couple que l’on retrouve, de fait, légèrement retravaillé et moins sexualisé, sur la pochette d’Hippopotamus, où l’on aperçoit en effet les frères Mael au second plan, l’un vêtu d’habits proches de ceux que portaient Schlesinger sur la toile de 72, et l’autre enrobé dans un peignoir blanc, le même qu’aurait enfilé Boman, on le suppose, une fois sorti de la piscine…

A Bigger Splash

Et l’hippopotame alors, c’est une référence à Hockney, là aussi ? Eh bien pourquoi pas ! Car si l’on ne note aucune présence d’hippopotames dans l’oeuvre du peintre britannique (pas dans son oeuvre connue du moins…) la piscine la plus connue d’Hockney reste sans nul doute celle représentée sur A Bigger Splash, la toile de 1967 ayant directement inspiré le film du même nom (par Jack Hazan, 1973), Image d’Épinal là encore d’une Californie ensoleillée et flâneuse, et en même temps de son versant le plus angoissant, symbolisée à la fois par le reflet grisonnant du paysage qui apparaît dans les vitres de la maison du second plan, et en même temps par ce grand « splash » visible dans l’eau et dont, mystère, l’on ne sait par quoi il a été provoqué. Les Sparks offrent donc une réponse à cette énigme encore irrésolue : c’est peut-être bien ce grand hippo, qui joue au crocodile, qui en serait à l’origine, de ce petit plongeon.

David Hockney – A Bigger Splash

Un hippopotame dans une piscine. Présence inopportune. Mais on aurait pu y voir bien d’autres choses, au sein de cet espace chloré. Dans le titre « Hippopotamus », qui a donné son nom à l’album (sûrement parce que c’est un des titres les plus forts), on nous assure, en effet, la présence, dans une piscine, d’un nombre relativement improbables d’éléments : un hippopotame donc, mais également « a book by Anonymous », un van Volswagen conduit par un hippie, une girafe, une peinture (tardive) de Jérôme Bosch, une femme (« who looks Chinese ») avec un abacus, et même…Titus Andronicus, le héros de la pièce du même nom de Shakespeare ! Soit un nombre de possibilités important pour expliquer l’origine du « bigger splash » suggéré par Hockney… « Throw in a hippo, a little Dutch art / An actor performing a Shakespearean part / Summery book and Germanic van / Asian lady, isn’t it grand? / Yes, yes, so grand ! »

Le son

Sont toujours aussi marrants, les Sparks. Plus de 35 ans après leurs débuts, et la sortie de SparksHalfnelson (Kimono My House, l’album qui a fait leur succès, sortira pour sa part en 1974 chez Island Records) les frères Mael prouvent en effet avec Hippopotamus que leur pop, qui prit selon les saisons tant de formes (électro-rock, new-wave, synthpop, glam-rock, disco-pop) n’a rien perdu de sa spontanéité et de son second-degré très british, malgré le fait que les deux soient originaires de LA, Californie. Très drôles et très bien ficelés donc, les titres « Hippopotamus », « Edith Piaf (Said It Better Than Me) », ou « Missionary Position » qui admet, qu’effectivement, le missionnaire reste la manière la plus simple de prendre du plaisir à deux, sans acrobatie ni maux du dos. 

Sparks (Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / Youtube)

Galen Johnson (Site officiel / Instagram / Soundcloud)

Sparks, Hippopotamus, 2017, BMG Rights Management, 55 min., artwork par Elaine Stocki (photo) et Galen Johnson (design graphique)