Santoré x Sophie Gouny-Rampal — Bandes originales


Il y a quelques années, on découvrait Santoré, un projet au sein duquel deux frangins — Antoine et Mathieu Gouny, Cannois d’origine et Parisiens de résidence — racontaient avec une nostalgique toute douce les premiers pas, les premiers émois, les premiers murmures, les premières aventures d’une vie qui, pour eux aussi, était passée par l’enfance, petite puis grande, avant de passer par l’adolescence et la transformation des premiers petits frissons en très grandes passions.

Par le biais d’une musique poptronica qui puisait ses sources autant dans la musique rock que dans la culture jazz, et même dans une certaine forme d’electronica — le spectre est large — Santoré racontait sa propre vision des premiers moments, et chérissait le souvenir des instants où c’est l’innocence qui règne et qui régit le rapport à toute chose.

Madeleine de Proust

Des souvenirs, fantasmagoriques ou bien réels (les deux, sans doute) qui prennent, encore aujourd’hui, la forme de morceaux composés le plus souvent sans paroles, et qui avaient abouti jusqu’alors à la parution de plusieurs EP (Tabou, Silverado, Rochefort), tous au service d’un même objectif : mettre sur disque les Bandes originales, sonores et mémorielles, de leur propre existence.

Sur ce premier album, paru avec la complicité de Baguette Publishing, c’est cette même idée de Bandes originales qui est reprise, et qui a abouti à l’utilisation d’une photo d’Antoine et Mathieu jeunes enfants, déguisés en cow-boys — le genre de trucs que l’on fait lorsque l’on est encore suffisamment jeunes pour le faire —, qui suit le groupe depuis longtemps, et auquel il était temps de laisser une place de choix. Antoine et Mathieu :

On y retrouve ce mélange de naïveté qui est important pour nous dans notre musique et dans ce qu’elle dégage, et ce sérieux que mettent les enfants dans leurs incarnations de Lucky Luke un jour et de Robin des bois celui d’après.

Santoré

« Pour les EP précédents, les covers étaient très cohérentes avec leurs univers musicaux, mais pour ce premier album le visuel devait aussi s’accorder sur cette idée « d’acte fondateur. C’est assez naturellement et rapidement que nous avons choisi cette photo, prise par notre maman quand on jouait aux cowboys dans le jardin de nos grand-parents. C’est une image qui nous suit depuis le début de Santoré et qui nous parle énormément. On y retrouve ce mélange de naïveté qui est important pour nous dans notre musique et dans ce qu’elle dégage, et ce sérieux que mettent les enfants dans leurs incarnations de Lucky Luke un jour et de Robin des bois celui d’après. » 

Maman ? C’est le nom que donnent Antoine et Mathieu à Sophie Gouny-Rampal, qui a donc mis au monde les garçons qui forment aujourd’hui Santoré et qui avait aussi mis au monde, fait suffisamment singulier pour être précisé — une mère qui illustre les disques de ses fils ? Pas banal — la pochette de Silverado, l’EP sorti en 2015 illustré alors par une soucoupe volante qui aurait tout aussi bien pu être un insecte géant qui aurait pris sur l’entièreté du corps la peinture d’un autre.

Santoré © Yann Morrison

Le son

À quoi ça ressemble, des souvenirs ? À des images qu’on caresse avec délicatesse lorsqu’ils ont pris la forme de photographies usées, à d’autres que l’on re-construit dans la tête et dont on se propose une représentation vaguement honnête, à des odeurs qui surgissent et qui montent, non pas au nez, mais directement à la mémoire. Pour Antoine et Mathieu Gouny, les souvenirs, ça se raconte en musique, et non pas spécialement par le biais de paroles — d’autres diraient que ce serait pourtant plus simple —, mais par le biais d’une poptronica (la pop, associée à la musique electronica, sensible et apaisée) mise sur pied afin qu’elle puisse prendre vie et revêtir la forme d’un moment qui s’en est allé, et qui ne pourra revenir que sous la forme d’une bribe indécise. Santoré compose de la musique pour ne pas perdre des souvenirs égarés, et assume la ré-appropriation d’une histoire personnelle nécessairement fantasmée.

Certains, ainsi, se souviennent par des mots que l’on associe afin de former des histoires concrètes, et d’autres en composant des petits morceaux nostalgiques et douillets, écriture cathartique afin de bâtir la bande originale de sa propre vie. Souvenir, souvenir.

Santoré (Facebook / YouTube / Instagram / Twitter / SoundCloud)

Santoré, Bandes originales, 2020, Baguette Publishing, photo originale par Sophie Gouny-Rampal