Petite Noir x Lina Viktor – La Vie est Belle / Life is Beautiful
« Transformation, love and change ». C’est selon Lina Iris Viktor, plasticienne et designer qui navigue entre les villes de New York, de Londres et de Genève, les termes qu’il convient d’associer au magnifique visuel qu’elle a construit pour les besoins du premier album de Petite Noir. Si La Vie est Belle donc, et qu’elle parvient à générer de l’amour, c’est parce qu’elle se donne la possibilité de se transformer. Et de se bonifier.
Le contraste du noir et du blanc
Sur ce visuel, on y voit Yannick Ilunga, chanteur et compositeur de ce projet qu’il qualifie lui-même, musicalement et conceptuellement parlant, de « noirwave », les yeux fermés et le corps allongé sur un sol à la blancheur marbrée – ou en lévitation au-dessus de lui, comme Purity Ring sur son dernier album An Other Eternity ? – Le haut et le bas du corps sont dévêtus, et seul le bassin est habillé, par ce tissu qui évoque ces toges que l’on portait, à Rome, jusqu’au Ve siècle après Jésus-Christ, comme si Ilunga se trouvait le temps d’un instant au sommet de cet Empire déchu, abattu sur cette matière que certains de ses contemporains, plus tard, utiliseront justement pour bâtir les chefs-d’œuvre les plus éclatants de la Renaissance italienne (le Michel-Ange notamment, est tiré d’un bloc de marbre blanc de Carrare, laissé à l’abandon après l’échec d’autres sculpteurs).
Le visuel, comme une bonne partie de l’identité visuelle liée au projet, joue ainsi sur ce contraste entre le noir et le blanc qui transparaît aussi dans le son (la liaison entre le folk d’Afrique subsaharienne et le post-punk d’Europe occidentale) et lors de ses performances lives (c’était en tout cas le cas lors de son passage à La Cigale lors de l’édition 2014 du festival des Inrocks), où la démarche du clair-obscur était mise en avant en habillant les musiciens à la couleur blanche de noir, et le chanteur à la couleur noire de blanc.
Malachite guérisseuse
Lina Viktor parlait de « transformation », « d’amour », de « changement ». C’est la présence, baroque et quasiment surréaliste, de cette pierre de malachite polie par la main de l’homme (ou par celle de Lina ?) présente en bas de l’image, qui lui permet d’employer ces termes et de justifier ainsi son travail, de la même manière que l’envisage le morceau « Best », dont le clip réutilise l’aspect vert métallique de la pierre et dont le plan terminal propose une transcription visuelle voisine de la pochette, à ceci près que c’est cette fois-ci l’idée de lévitation (mystique et vaudou) vers les cieux qui est clairement favorisée.
Minérale, la malachite représente symboliquement et médicalement (selon certains) la protection et la lutte contre les énergies négatives, et donc par filiation l’ascendance de ces puissances positives qui soignent le corps et l’âme avec une efficacité voisine. En Afrique, continent natif de Yannick comme de Lina, elle est notamment, et son utilisation trouve ainsi tout son sens, le symbole certain du rythme vital de l’âme, l’une des récurrences thématiques d’un album et d’un artiste à la recherche permanente de repères et de racines pas toujours faciles à localiser lorsque l’on est né à Bruxelles d’un père congolais et d’une mère angolaise, et que l’on a été élevé en Afrique du Sud avant de joindre, dernière escale avant un décollage que l’on imagine prochain, le quartier branché de Camden…
Le son
Pour parler de sa musique, Petite Noir a pris l’habitude de parler de « Noirwave ». Catégorisation très personnelle et très audacieuse, qui dit à la fois ses nationalités plurielles (après avoir grandi en Afrique, Yannick Ilunga est désormais résident londonien) et le caractère bilatéral de ses influences, principalement axée sur la fusion de la pop folklorique subsaharienne (de Fela Kuti à Tabu Ley Rocheteau) et de la new wave britannique (de Joy Division à Inca Babies). Un caractère pluriculturel qui se retrouve jusqu’au titre sélectionné pour nommer ce premier album (La Vie est Belle / Life is Beautiful), tiré d’un classique du cinéma congolais, et qui forge la force d’un artiste qui aurait tout aussi bien pu choisir de se nommer Pépite Noire.
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Petite Noir, La Vie est Belle / Life is Beautiful, 2015, Domino, 47 min., pochette par Lina Viktor