No Age x Daphne Fitzpatrick – Snares Like A Haircut


Une calligraphie arrondie, réalisée comme certains poèmes d’Apollinaire, présentant le nom du disque, et celui des morceaux qui le composent. Et puis plus bas, des chiffres en dollars, en euros, en livre et en yen, comme un prix de vente conseillé, histoire de dire « interdiction de payer plus que ce prix-là pour ce truc ». Design arty, humour décale, puis, un visuel, à droite de l’image, qui se détache du tout.

Contrairement aux apparences, trompeuses dans ce cas-là, nous ne sommes donc pas en présence, via ce visuel qui illustre le cinquième album des deux Californiens de No Age (Randy Randall à la guitare et Dean Allen Spunt au chant et à la batterie), d’un morceau de gruyère, prêt à être dégusté par un amateur (de fromage) y ayant déjà fourré la lame d’un couteau pointu. Cette sculpture (car s’en est une) qui apparaît en bas à droite de la cover de  Snares Like A Haircut (en Français : « des caisses claires comme une coiffure »), est en réalité de la cire d’abeille, celle sécrétée par les insectes volants afin de pouvoir construire, plus tard, les rayons de ces ruches où seront stockés miel, pollen, et couvain.

Couteau pointu et cire d’abeille

Mais alors, quel rapport entre les abeilles et les caisses claires évoquées par cet album punk, garage, en provenance de Los Angeles ? Eh bien, il n’y en a quasiment pas, si ce n’est que pour Dean, joint par mail, cette cire d’abeille lui rappelle ce dernier album en date. Dean donc :

« L’artiste s’appelle Daphne Fitzpatrick, nous travaillons ensemble avec la même galerie – Gordon Robichaux – de New York. Elle a exposé certains de ses travaux à Los Angeles, au moment même où nous écrivions et enregistrions l’album. Nous avoins décidé avec Brian Roettinger (le graphiste qui s’est chargé des précédents albums du groupe, et qui s’est chargé du reste de l’habillage graphique sur celui-ci, ndlr) que nous utiliserions peut-être une œuvre d’art, pour la cover, qui ne serait pas, cette fois, quelque chose conçu par nos soins. Et on a tout de suite pensé au travail de Daphne en le découvrant. Il semblait y avoir dans son travail un esprit ludique et désordonné similaire, et une sorte d’humour, aussi. Quand je regarde cette cire de miel, je pense à notre album ». C’est que les esprits trop rapides, parfois, circulent si vite que leurs idées ne parviennent pas, en ordre, jusqu’aux esprits ordinaires…

Randy : Ca nous évoquait tous ces stickers qui disaient « ne payez pas plus de 10 dollars pour ce disque ! ».

Dean : C’est une blague, un « prix de vente conseillé ». A vrai dire je ne sais même pas s’il est juste ! Ca rappelle la façon dont des sites comme Amazon essaient de vendre moins cher… Avoir un marqueur qui fixe le prix, surtout de façon arbitraire, ça nous amusait dans ce contexte, avec en plus un clin d’œil à la globalisation, qui a parfois des dimensions ridicules. Mais il n’y a pas de sens profond, on pensait même que ça passerait inaperçu ! Comme pour pas mal de trucs, on se dit que si ça nous fait rire c’est que ça ne peut pas être totalement mauvais.

Le son

Au fil du temps, et après dix années d’existence, les Californiens de No Age ont donc su caler quelques mélodies sur leur punk limpide et incisif, hasardant même le mélomane à se risquer, geste profane, à risquer l’emploi du terme « pop ». Plus accessible qu’hier donc, la musique de No Age n’en demeurent pas moins absolument exigeante, elle qui arrive toujours à se montrer aussi contestataire et aussi drôle qu’hier, le tout avec l’aide, toujours, de morceaux jamais bien longs. Pas d’âge pour être brillant, clairement.


No Age (Bandcamp / Facebook / Twitter / Instagram)

Daphne Fitzpatrick (Site officiel)

No Age, Snares Like A Haircut, 2018, artwork par Daphe Fitzpatrick, design par Daphne Fitzpatrick