Nils Frahm x Lia Darjes – All Melody


Le studio d’enregistrement. Enjeu central de tout musicien, chanteur ou producteur ayant vocation à léguer son oeuvre à une postérité plus ou moins élargie, il est le lieu où la magie opère, où ce que l’on pense et que l’on compose depuis des semaines, des mois, des années, prend forme concrète, le lieu où tout prend forme. Et si, en 2018, il est possible d’enregistrer sans passer par ce lieu autrefois hautement sacré, les outils mis à disposition du grand public pour le faire touchent d’abord l’artiste amateur, celui qui n’a ni les moyens, ni le temps, ni souvent l’envie, de professionnaliser autrement sa démarche.

Nils Frahm

Home, sweet home

Pirouette d’usage, afin d’éviter le passage par ces studios où les séjours coutent souvent très cher, et où les sessions sont limitées, la fabrication d’un home studio, soit l’équivalent de la liberté totale pour des professionnels qui se retrouvent, ainsi, confrontés à la possibilité d’essayer, de créer, d’enregistrer, et ce à n’importe quel moment, sans limite de temps et d’argent.

Le home studio, c’est plus ou moins, justement, ce que vient d’obtenir le producteur allemand Nils Frahm, qui, loin du studio installé dans son garage de parking ou dans cette pièce autrefois appelée « chambre d’amis », vient d’obtenir une partie du complexe de Funkhaus (Berlin-est, bordure de Spree), espace mythique où le pianiste classique, devenu également producteur électronique, a ainsi pu installer le studio de ses rêves, un studio qu’il a bâti lui-même, minutieusement, du câblage électrique aux boiseries, de l’orgue à la table de mixage, et ce pendant de longues années, avec l’aide de ses amis les plus proches, et d’une grosse dose de savoir-faire.

Ici, à l’abri de tout, il a pu ainsi composer une grande partie d’All Melody, son septième album de nouveau paru chez Erased Tapes (Ólafur Arnalds, Penguin Cafe, Rival Consoles…), un album naturellement illustré, puisque ce fut la genèse de cet album-là, par une photo d’une partie de ce studio (le studio Saal 3), une photo prise par la très alternative Lia Darjes, accouchant d’un artwork qui confirme l’attrait de l’Allemand pour les visuels consacrés aux coulisses de fabrication des disques. Trance Frendz, le disque éblouissant qu’il avait composé avec l’Islandais Ólafur Arnalds (également coproducteur du projet de minimale aérienne Kiasmos), montraient en effet déjà Nils Frahm aux côtés de son ami d’Europe du Nord, en pleine session studio, alors que celui de Spaces, le montrait, de haut cette fois, penché sur quelques-uns des nombreux claviers de sa collection. Les deux photos étaient alors signées Alexander Schneider, également auteur de l’artwork, purement graphique cette fois, d’une autre collaboration entre l’Allemand et l’Islandais, en 2015.

Décidément convaincu que la fabrication de intégralité de ce studio constitue l’élément décisif de fabrication de ce nouveau disque, Nils Frahm avait également partagé, via son label, une vidéo disséquant de manière plus large cet espace de création absolue. Parce que le contexte, physique, de création d’un disque, peut aussi en expliquer, très souvent, son contenu.

Le son

Pourvu d’une formation très académique (solfège, apprentissage du piano, un instrument qu’il maitrise à la perfection), Nils Frahm a depuis longtemps, et depuis son arrivée chez le label berlinois Erased Tapes en 2012, associé à cette connaissance de la minutie classique le goût pour les apprentissages électroniques, et pour la fabrication de ces morceaux qui ne refusent jamais la mélodie, voguant toujours entre la musique minimaliste d’un Philip Glass et celle, ambient, d’un Brian Eno. All Melody, le septième album de sa discographie conçu dans ce studio berlinois inédit, se fait de nouveau infiniment libre, confirmation la place centrale d’un artiste qui, aux côtés d’Ólafur Arnalds, de Jóhann Jóhannsson ou de Max Richter, s’impose comme l’un des plus audacieux virtuoses de sa génération.

Nils Frahm (Site officiel / Facebook / Twitter / Soundcloud)

Lia Darjes (Site officiel)

Nils Frahm, All Melody, 2018, Erased Tapes, artwork par Lia Darjes