Muzrs : « mettre en relation les artistes musiciens et les créatifs visuels »


La musique, on le répète suffisamment comme ça, doit bénéficier en 2016 d’un packaging visuel suffisamment pertinent pour se donner la possibilité d’exister parmi la masse toujours plus grande qui est proposée aux tympans (et aux rétines donc parfois) d’auditeurs qui ne savent plus toujours où porter leur attention dans le siècle de Twitter, du scrolling, et des dizaines de pages ouvertes de manière simultanée sur un bureau d’ordinateur. Se détacher pour exister.

Alors, s’il veut faire entendre sa voix, un groupe doit aussi la faire voir. Par le biais du clip, de la pochette de disque, des photos « promotionnelles », d’une éventuelle scénographie venant accompagner ses lives. Sauf qu’un musicien reste un musicien. Et que si certains possèdent le don, très moderne et très précieux, de la grande polyvalence, tous n’ont pas la faculté de se charger aussi de ces aspects visuels pourtant fondamentaux. Et tous ne bénéficient pas non plus, dans le réseau ou dans les « relations », de matière grise et / ou de main-d’oeuvre suffisante pour se charger de cela à leur place. Impasse.

C’est là qu’intervient Muzrs. Projet malin et consciencieux, cette plateforme collaborative tout juste lancée propose donc de mettre en contact ceux qui ne se connaissent pas encore. Ou la mise en relation de ceux qui font la musique et de ceux qui feront bientôt son image.

À quelques jours de la seconde édition de Lumen : les rencontres numériques,Muzrs s’associe à Brume aux Chaudronneries de Montreuil afin de présenter sa vision de la musique – pluridisciplinaire et multi-sensorielle – à travers une programmation partagée et l’organisation d’une table-ronde autour de l’impact du numérique sur la création et la représentation musicale (que l’on dirigera), entretien avec les fondateurs (Louis, Hugo, Noémie) d’un projet essentiel.

muzrs 

Muzrs : que veut-il dire exactement ce nom ?

« Music Users » bien sûr ! En vrai, on cherchait un nom imprononçable, et je crois qu’on a réussi. Pour info, ça se dit donc MIOUZEURZ !

Quels sont les objectifs exacts de Muzrs ?

L’objectif général c’est de développer pour les artistes des outils adaptés au nouveau contexte de la musique. Ça passe par la plateforme collaborative que nous venons de lancer, mais aussi par une agence de création, des évènements et un blog.

En ce qui concerne la plateforme, le but premier est de mettre en relation les artistes musiciens avec tous les créatifs nécessaires à la création d’un projet musical, et avec un public de passionnés de musique prêt à donner des coups de mains.

J’ai un groupe de musique de punk, j’habite à Brest. Niveau musique, pas de problème je gère, mais pour le reste c’est franchement plus compliqué. Concrètement, comment Muzrs peut-il m’aider ?

Concrètement, tu vas d’abord te créer un profil qu’on a pensé comme un site vitrine, sur lequel tu peux présenter ton univers et tes créations. Ensuite tu vas déposer un appel à projet. Tu présentes ton projet et tu listes tes besoins : un graphiste à la Kiki Picasso ou un photographe pour ton artwork et tes flyers, un réalisateur pour un clip ou pour filmer vos concerts survoltés dans les bars brestois, un VJ pour mixer et projeter sur scène des images d’artistes dadaïstes, ou simplement un fan de punk pour t’héberger après une date à Nantes. Pour chacun des besoins tu précises ton budget. À partir de là tu vas recevoir des candidatures de créa de Brest, ou d’ailleurs si la collab peut se faire à distance. Tu discutes avec eux, et si ça match, la collaboration peut commencer !

Quand on lance un projet, généralement, c’est qu’on a aux préalables localisé des besoins. Quels vides Muzrs vient-il combler ?

Le réseau ! On entend souvent qu’Internet permet à n’importe qui de percer dans la musique, peu importe d’où il vient. La réalité c’est qu’un projet musical est par nature pluridisciplinaire et qu’à moins de savoir tout faire, il faut s’entourer de personnes compétentes. Les groupes qui viennent de villes dynamiques vont d’abord chercher dans leur entourage un graphiste, un photographe ou un réalisateur. Avec un peu de chance ça correspond à leur univers, souvent pas trop. Mais pour les artistes qui viennent de régions moins denses, c’est un vrai problème. Sur Muzrs ils peuvent rencontrer des créatifs de leur région qu’ils ne connaissent pas ou trouver des créa de toute la France avec qui bosser à distance.

La deuxième chose, c’est le budget. Les artistes émergents n’ont évidemment pas les moyens de faire appel à une agence de graphisme ou une boîte de production. C’est pour ça qu’on se tourne beaucoup vers les écoles de ces différents domaines de création pour inviter leurs étudiants sur la plateforme. Ces jeunes créatifs sont en recherche de premiers projets professionnels et de visibilité, et travailler sur des projets musicaux est un parfait moyen pour y arriver.

En 2016, pourquoi est-il essentiel pour un groupe de se doter d’une identité visuelle suffisamment travaillée ?

Ça a toujours été hyper important, mais c’est devenu nécessaire aujourd’hui. D’abord parce que la démocratisation des moyens de création a fait exploser l’offre musicale sur Internet. Et Internet, c’est le royaume du visuel ! Donc pour émerger de ce grand fourre-tout, il est primordial pour les artistes d’avoir une identité visuelle soignée et cohérente, et d’innover dans leur communication en proposant du contenu intéressant. La deuxième raison, c’est que maintenant qu’on ne vend plus de disques, la scène est le revenu principal pour la majorité des artistes émergents. Il est donc plus que jamais essentiel de proposer quelque chose de neuf sur scène : projections, installations, mapping… Ce qui est d’ailleurs particulièrement important pour les musiques électroniques qui sont par nature peu visuelles sur scène.

Peut-on percer dans la musique aujourd’hui sans avoir un accompagnement visuel qui tient la route ?

Oui, ça arrive ! Dans certains courants musicaux c’est même une revendication. Mais en général c’est un vrai handicap. Et pour nous, le visuel n’est pas qu’un emballage pour vendre la musique, ce peut être une véritable extension du propos artistique et donc un élément à part entière du projet musical.

Si vous deviez me citer un seul groupe qui a tout pigé d’un point de vue visuel, et que l’on pourrait pendre comme exemple ultime, ce serait lequel ?

On pourrait bien sûr penser à Gorillaz, mais c’est un exemple trop extrême. Alors disons le groupe La Femme qui, pour le coup, dirige tout lui-même. Il y a un concept, des clips superbes et nombreux, des artworks et des photos magnifiques, des concerts à la scénographie sobre mais soignée et des costumes toujours incroyables. Le tout étant lié par une parfaite cohérence esthétique.

La Femme x Elzo Durt - Psycho Tropical Berlin

La Femme x Elzo Durt – Psycho Tropical Berlin

Muzrs fait donc son lancement via une première soirée aux Chaudronneries de Montreuil ce samedi 11 juin…

Oui ! Plutôt que de faire une simple soirée de lancement on s’est associé au collectif Brume, qui vient de l’art numérique, pour un véritable événement artistique sur deux jours dans ce magnifique espace industriel de 700m2. Il y aura des concerts audiovisuels de Caandides (que j’aurais d’ailleurs pu citer comme groupe qui a tout pigé au visuel), Iñigo Montoya! et Hijacked, des Djs sets, une exposition d’installations numériques, un parcours de réalité virtuelle, des ateliers et une table-ronde où l’on abordera justement la question du visuel dans la musique.

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