Mono x Ahmed Emad Eldin x Jeremy Devine – Nowhere Now Here



Groupe ultra exigeant et ultra indé (c’est souvent le cas lorsque l’on propose une musique post-rock symphonique, introspective et progressive), les Japonais de Mono ont également, et ce depuis la sortie de leur premier album en 2001(Under The Pipal Tree, Tzadik), soignés une iconographie qui avait accouchée de quelques-unes des plus belles pochettes de disques aperçues dans le genre, des murs décrépis et passés de Palmless Prayer / Mass Murder Refrain (2005) au Mont Fuji coloré, quoique lugubre, de You Are There (le titre du disque, associé à l’image de la montagne japonaise et à la forêt épaisse d’Aokigahara, renvoyait aux nombreux suicidés que l’on retrouve chaque année, sans vie, au cœur de la forêt…), ou à cette réutilisation, judicieuse, d’une estampe de Gustave Doré qui illustrait alors L’Enfer de Dante, devenue la pochette de Requiem for Hell.

La lumière dans le chaos

Jamais, pourtant, un artwork du groupe japonais n’avait mieux résumé sa musique que celui proposé pour illustrer Nowhere Now Here, le dixième album du groupe qui sort à l’occasion du vingtième anniversaire de Mono. Les Japonais ont fait appel à un illustrateur égyptien, Ahmed Emad Eldin, remarqué ces dernières années, notamment, pour avoir travaillé sur la pochette du dernier album en date de Pink Foyd, The Endless River (2014), une pochette qui mettait alors en scène un homme en train de naviguer sur un océan rempli… de billets de banque.

Pink Floyd x Ahmed Emad Eldin – The Endless River (2014)

Le symbolisme envisagé par Ahmed Emad Eldin pour Mono, loin de la critique antisystème (ce n’est pas la première…) de Pink Floyd, est tout autre. Sur ce visuel de Nowhere Now Here (un jeu de mots entre le fait de n’être « nulle part » et d’être « ici, maintenant »), les ténèbres ont envahi le monde, et paraissent être sur le point de le faire suffoquer totalement. Le « nulle part » est pour bientôt, et il s’annonce bien sombre. Une ultime source de lumière, toutefois, persiste, et c’est sur cette source qu’est focalisé le visuel d’Ahmed Emad Eldin. Au sommet de Big Ben, dans une capitale londonienne au schéma urbain nettement modifié, domine en effet une danseuse, entourée de quelques oiseaux qui volent autour d’elle, ultime message de liberté, d’apaisement et de grâce adressée au chaos qui menace les environs.

C’est toute la musique de Mono, résumée en une seule image : un nuage épais de noirceurs et de vents qui aboutit, bien souvent, vers un éclat lumineux, et vers l’apaisement ultime. C’est que l’on peut décider de ne voir que la noirceur du monde. On peut aussi décider de poser l’œil, plutôt, sur ce néon lumineux qui, même dans les tempêtes les plus violentes, persiste toujours, et offre un ultime repaire aux navires qui se croyaient, jusqu’alors, perdus pour de bon…

Le son

Apaisée et révoltée, calme et chaotique, patiente et virulente, la musique de Mono a, depuis vingt ans, opposée deux humeurs a priori contraires, qui devaient plutôt s’avérer, chez les Japonais, absolument complémentaires. Désormais pourvus, aussi, d’instruments électroniques, Tamaki Kunishi, Takaakira « Taka » Goto, Yoda, Yasunori Takada et consorts livrent un dixième album à la hauteur des précédents. C’est-à-dire : vertigineux.

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Ahmed Emad Eldin (Facebook / Instagram / Behance)

Mono, Nowhere Now Here, 2019, Temporary Residence Limited, artwork par Ahmed Emad Eldin (illustration), Jeremy Devine (graphic design)