Mogwai x Dave Thomas — As the love continues


Des couches, des textures, des sons et des intentions qui s’accumulent, se confondent, se développent et fusionnent dans un fracas quasi intégralement instrumental, parfois mélodique, parfois carrément bruitiste, que l’on nomme post-rock. Depuis 25 ans, c’est la musique que propose, schématiquement car le genre est immensément complexe et est soumis à des discussions sans fin — qui est post-rock et qui ne l’est pas, c’est une discussion de mélomane qui n’arrêtera que lorsque plus personne de fera de post-rock — le groupe Mogwai, porte-étendard d’un genre qu’il a largement contribué à populariser.

Menace

Dave Thomas est le responsable des pochettes de disques du groupe de Glasgow depuis une quinzaine d’années, c’est-à-dire depuis la parution de Mr Beast, album en date de 2006. « J’ai tendance à écouter les morceaux pendant que le groupe écrit et enregistre pour avoir une idée de ce qui pourrait convenir en termes de visuels. Comme la majorité de la musique est bien sûr instrumentale et que les titres des morceaux ont tendance à être décidés plus tard dans le processus, il s’agit vraiment de trouver une direction pour l’œuvre d’art qui capture le bon sentiment ou la bonne humeur. », dit-il.

Remarquablement divers — on oscille entre la photo poético-urbaine (Hardcore Will Never Die, But You Will), l’illustration type cosmic-funk (Rave Tapes) ou le tatouage de cow-boy moderne (The Hawk is Howling) —, son travail a abouti cette fois à cette image qui mêle la représentation d’un renard à celle d’une ombre sombre, sans visage clairement défini et pareille à ces menaces qui ne savent pas dire leur nom.

Superpositions

Le titre As the Love Continues évoque à Dave Thomas l’idée de mémoire, d’image saisie et nécessairement figée dans le temps. « Pour ce nouvel album, je voulais rendre l’œuvre plus texturale et multicouche, une manière de représenter visuellement les couches complexes de son que le groupe crée ». Il se souvient alors de cette photo de renard, piochée dans sa grande collection personnelle de vieilles photos endommagées, de négatifs rayés, de diapositives récupérées dans des dégagements de maison ou des marchés d’antiquités. Et avec cette image, il expérimente, superpose, mélange.

« Je voulais capturer ces moments en superposant des images, en réinventant numériquement la façon dont je pourrais traiter chimiquement ces photos. Je voulais voir à quoi elles ressembleraient en les projetant les unes sur les autres dans une pièce sombre. (…) J’aime l’idée que les images aient le sentiment de petits instantanés qui n’existaient que pendant un moment avant que le film ne fonde ou que le produit chimique ne le dégrade de toute reconnaissance. »

Un instant qui volait et qui fut capturé en plein vol. C’est l’acte de le figer qui créa l’œuvre d’art. Comme dans la musique de Mogwai.

Le son

Toujours porté par des titres de morceaux incroyablement cryptiques (« To The Bin My Friend, Tonight We Vacate Earth », « Supposedly, We Were Nightmares », It’s What I Want To Do, Mum »), le dixième album de Mogwai poursuit le travail entamé depuis 25 ans par ces Écossais qui cumulent toujours les couches de guitares, les halos électroniques, les boucles d’un mélange des deux, les bruits blancs et les fureurs noires. Idéal pour se retrouver, ou peut-être bien pour se perdre, dans un monde qui, lui aussi, a décidé de tourner encore et encore en boucle sur lui-même.

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Mogwai, As the love continues, 2021, Rock Actions Records / [PIAS], artwork par Dave Thomas