Melanie De Biasio x Stephan Vanfleteren – Blackened Cities


Melanie De Biasio x Stephan Vanfleteren - Blackened Cities

Les villes noircies que Melanie De Biasio mentionne dans le titre de son nouvel album (Blackened Cities, pièce musicale homogène de 25 minutes), font référence à Manchester, à Détroit, à Bilbao, à ces villes que la modernité a décidé de nommer « post-industrielles », et que l’artiste belge a décidé de saluer – parce qu’elle les a visité en tournée – au sein de ce troisième album au format inhabituel et audacieux au siècle du streaming et des écoutes de plus en plus impatientes.

Home, sweet home

Ces villes, elles font référence plus encore (et surtout), à la cité wallonne de Charleroi, là où Melanie a habité jusqu’à sa majorité et où elle vient, toujours, se ressourcer dès lors que le besoin se fait sentir. Ce fut le cas récemment justement, et ceci explique la thématique géolocalisée du disque, après la longue tournée qui a accueilli la sortie et la sensation No Deal, cet album de jazz patient et élégant que la chanteuse avait dû défendre sur scène durant plus de deux années (pour quiconque n’y est pas habitué, deux ans sur scène, c’est largement épuisant).

Alors, qui de mieux, pour illustrer la ville wallonne, celle dans laquelle l’on rentre pour se retrouver malgré la grisaille sociale qui y domine, que l’un des plus grands amoureux revendiqués de la ville en question ? Stephan Vanfleteren, pourtant natif de Flandre (comme quoi l’idée d’État belge semble encore avoir un semblant de sens chez certains…), homme providentiel, fait justement partie de ceux-là, lui qui, après l’avoir découvert durant ses études, est revenu à Charleroi quelques années plus tard dans la peau d’un photographe professionnel décidé à capter la poésie viscérale d’une cité à la beauté timide, mais bien réelle.

Une photo, un album, une rencontre

Sa grande exposition, présentée au Musée de la Photographie de Charleroi en 2015 (et qui fut d’après ce que l’on lit un succès immense), s’appellera d’ailleurs Il est clair que le gris est noir, référence évidente à ces larges paysages industriels plein de friches bétonnées, et à ce surnom que la ville, positionnée au centre d’un vaste bassin houiller, traine encore souvent, celui de Pays noir. Une référence, aussi, à son coloris photographique, fait de noir, de blanc, et de gris contrasté.

Melanie De Biasio y est passée, à cette expo. Et y a évidemment vu, parmi les portraits de gens et de bâtiments carolorégiens, ce panorama superbe du Carsid Charleroi, site sidérurgique local immense bordé par une affluente de la Meuse (la Sambre) et dominé, ici, par une éclaircie éclatante, elle qui transperce cette masse nuageuse qui semblait jusqu’alors régner sur les environs. La lumière dans la grisaille. L’horizon triste et laid soudainement devenu havre de paix. L’industrie de sidérurgie à l’intérieur d’une galerie (d’art). Le champ des possibles. Et la conviction immédiate et évidente, pour Melanie, que c’est ce visuel-là qui accompagnera l’album qu’elle a constitué avec la même passion remarquable pour ce qui ne se voit pas au premier coup d’oeil, mais qui s’impose dès lors que l’on se permet un regard plus patient.

Le son

Après le succès phénoménal de No Deal, et après l’album de remixes de ce disque-là (par EELS, par Gilles Peterson, par Chassol…), voici Blackened Cities, album d’une piste unique (mais à peine moins long que l’album précédent finalement) qui paraît les faire intervenir, ces cités noircies, au sein d’un morceau changeant, divaguant mais logique, qui pose l’atmosphère (sombre, mais apaisée) avant de devoir libérer son jazz, de plus en plus ample au fil que les secondes s’accumulent. Et de plus en plus beau, aussi.

Melanie de Biasio (Site officielFacebook / Twitter / Soundcloud)

Stephan Vanfleteren (Site officiel / Facebook / Twitter)

Melanie de Biasio, Blackened Cities, 2016, Le label [PIAS] / Play It Again Sam, 24 min., pochette de Stephan Vanfleteren