King Gizzard and the Lizard Wizard x Jason Galea — Petrodragonic Apocalypse; Or, Dawn Of Eternal Night: An Annihilation Of Planet Earth And The Beginning Of Merciless Damnation
Dans un monde dans lequel l’évolution du prix du pétrole peut déclencher des guerres, où les inégalités se creusent de façon exponentielle et où les déchets toxiques soigneusement enfouis dans les tréfonds menacent d’exploser à la surface, l’apocalypse est un sujet tendance sur X (ou sur Threads, désormais ?) qui génère autant de véritables inquiétudes (l’anticipation des survivalistes) que de créations pop (les succès des séries The Walking Dead, de The Last of Us et de toutes les autres) destinées à nourrir plus grassement encore cette infernale machine capitaliste auquel aucun sujet n’échappe décidément et qui se goinfrera sans doute jusqu’aux dernières heures. Le monde s’effondre et d’autres font leur beurre dessus. Aucune surprise là-dessus.
Apocalypses
L’apocalypse, préoccupation majeure des Femmes et des Hommes en 2023 ? Ça ne date pas d’hier : l’Ancien testament la mettait au centre de tout, les Chrétiens la rappelaient aux premiers faux pas, les Sagas des Scandinaves envisageaient le Ragnarök, les Mayas l’invoquaient à l’horizon de décembre 2012.
Les Australiens de King Gizzard and the Lizard Wizard, qui sortent des albums comme d’autres empilent des boîtes de conserve dans un abri sous-terrain en attendant le retentissement des premières sirènes d’alarmes (25 albums depuis 2012, dont 5 exclusivement sortis en 2022…), y songent aussi, à cette apocalypse, même si c’est, eux aussi, l’aspect pop qu’ils favorisent pour marquer cette préoccupation que l’on devine prégnante. Se moquer du pire pour mieux s’en accommoder ? À chacun ses armes.
Petrodragonic Apocalypse; Or, Dawn Of Eternal Night: An Annihilation Of Planet Earth And The Beginning Of Merciless Damnation, est titré ce nouvel album qui témoigne une fois encore de l’attrait du groupe pour ce qui est alambiqué, pour ce qui s’étire, pour ce qui est inclassable, pour les formes octogonales que l’on ne s’embête pas à vouloir faire rentrer dans des ronds. « Apocalypse pétrodragonique ; Ou, l’aube de la nuit éternelle — L’anéantissement de la planète Terre et le début d’une damnation impitoyable », peut-on traduire vulgairement en français. Chez le groupe de Melbourne constitué autour de Stu Mackenzie, d’Ambrose Kenny-Smith ou de Cook Craig, les lendemains porteront ainsi la trace de dangers nouveaux et divers.
L’humanité poursuivie par des sorciers hostiles (« Witchcraft ») et par des dragons cracheurs de feu (la pochette de ce disque) ? C’est le programme déployé par ces post-adolescents gavés de culture pop et de série B qui sont accompagnés depuis des années dans leurs délires psychédéliques, trash metal, stoner, kraut, garage, acid, surf, jazz rock, et dans l’ensemble des genres musicaux que le groupe explore depuis une douzaine d’années, par le fantasque Jason Galea.
Chaos
Cet artiste multidisciplinaire lui aussi basé à Melbourne axe son travail sur l’illustration, le design, la vidéo, l’animation. Collaborateur occasionnel de Mac DeMarco, de Thee Oh Sees ou de Saskwatch, l’Australien est surtout l’illustrateur attitré des gars de King Gizzard and the Lizard Wizard, qu’il accompagne souvent en tournée et pour qui il signe ces pochettes délirantes, sophistiquées, perchées, sur lesquelles se bâtissent parfois les prémisses de grammaires (L.W., 2021) ou de mythologies nouvelles (Omnium Gatherum, 2022) et où des figures démoniaques (apocalyptiques ?) apparaissent déjà depuis bien longtemps (I’m In Your Mind Fuzz, 2014).
Feu
Ensemble et en 2023, King Gizzard et Jason Galea envisagent donc le terrible avenir qui attend les Humains à travers la figure d’un dragon (qui ressemble à s’y méprendre à un dinosaure) qui balade ses yeux orangés vers un monde en flammes, où le vieux monde s’est écroulé et où les décombres s’accumulent, ne proposant plus qu’un tas de ruines gouverné par le néant, les chaleurs radioactives, les déchets toxiques qui ont eu raison de tout. La bête règne sur les désastres que d’autres ont provoqués à sa place : c’est elle qui incarne la damnation impitoyable suggérée par le titre, par le biais de cette pochette belle comme une fin d’époque et puissante comme la chaleur des flammes. Les humains ont joué avec le feu et se sont brûlés : place, pour les siècles à venir, au feu lui-même.
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Jason Galea (Site officiel / Instagram)
King Gizzard and the Lizard Wizard, Petrodragonic Apocalypse; Or, Dawn Of Eternal Night: An Annihilation Of Planet Earth And The Beginning Of Merciless Damnation, 2023, KGLW, 49 min., artwork de Jason Galea.