Kanye West x Peter De Potter – The Life Of Pablo


Kanye West x Peter De Potter - The Life Of Pablo

Deux photos, collées sur un aplat orangé. L’une est une photo de famille (celle de Kanye West en l’occurrence), et l’autre est celle d’un postérieur féminin, qui malgré sa forme rebondie, n’est pas celui de l’élégante femme de Kanye Kim Kardashian. Sur ce fond couleur mandarine, en lettres noires, « The Life Of Pablo » écrit en majuscules, et répété à sept reprises. Plus bas, la question sans point d’interrogation « Which One », qui s’accumule en plus petits caractères mais de manière plus répétitive encore.

Pablo who ?

De la vie de quel Pablo s’agit-il ? D’Escobar, le roi de la coke, ou plutôt de Picasso, le roi du cube ? Sans doute, et si l’on considère le flou artistique indicible dans lequel gravite la sortie de ce 7e album du rappeur le plus mégalo de la planète, n’y a-t-il pas vraiment de réponse à trouver ici. Brasser du vent, lorsque l’on ne sait plus comment attirer plus encore l’attention autrement.

Si le titre devait finalement référer à Picasso plutôt qu’à Escobar (légitimité arty contre légitimé gangsta), le cubiste hispano-français devrait en tout cas, depuis une semaine, faire des roulés-boulés franchement agacés à l’intérieur de sa tombe du château de Vauvenargues. Car, il faut bien le considérer : la pochette de ce Life In Pablo, designée par l’Américain Peter De Potter (qui affirme travailler sur « une nouvelle histoire visuelle » via des collages textuels et photographiques), est d’une laideur atroce, en plus d’être une platitude affligeante. Gênant, sachant l’estime qu’a pour lui-même le bonhomme, qui doit sûrement s’imaginer ce pavé orangé, comme tout ce qui émane de son esprit autoproclamé divin, comme une œuvre d’art certaine.

L’icono chez Kanye : de pire en pire

Géniales, les pochettes de Kanye ne l’ont de toute manière jamais franchement été. Et si les trois premières avaient au moins le mérite d’adopter une certaine logique visuelle (la présence de ce curieux ourson qui revient à chaque fois), les quatre suivantes confirment, en accentuant un propos toujours plus pédant et paresseux, une baisse de qualité progressive de ces artworks qui paraissent donc suivre une ligne contraire au contenu sonore de ses albums, qui eux, sont inversement de plus en plus aboutis.

Vraiment vulgos comme celle de My Beautiful Dark Twisted Fantasy (signée George Condo) et faussement arty comme celle de Yeezus (on ne comprend toujours pas comment le monde a pu crier au génie devant un processus graphique – celui de la cover sans véritable artwork – déjà si largement éculé), la pochette de The Life Of Pablo donnerait presque, au premier regard, la sensation d’être la transcription visuelle du contenu issu du compte Twitter de Kanye West, qui assiège depuis quelques jours la toile de tirades toutes plus égotiques, énigmatiques et polémiques les unes que les autres. En pole position, ces deux tweets aussi stupides que dangereux, où le rappeur et producteur américain invite Pitchfork, Rolling Stone, New York Times et tous les autres médias de « blancs » à ne plus jamais commenter de musique « noire » (la sienne et celle des autres), sous prétexte que leurs ancêtres n’auraient pas été des esclaves.

Et le sens dans tout ça ?

Kanye West lancé dans une croisade anti-blancs ? Évidemment, non, et même si l’association sur le même visuel de la famille noire (la sienne donc) en costumes trois-pièces et en robes claires d’un côté, et la pétasse blanche avec le cul en avant de l’autre pourrait en faire râler plus d’un, il faut juste voir ici, et avec cette tirade insensée, le débordement inconscient d’un égo incapable de mesurer à quel point ce genre de propos, clivant et communautaristes, émanant d’une personnalité aussi scrutée que la sienne, pouvait s’avérer dangereux.

Reste la question du cul rebondi, et de la nécessité (contestable, certes…) de le faire apparaître sur le fronton d’un disque destiné à être largement diffusé (et bien que celui-ci le sera peut-être, selon les propos de son géniteur, uniquement via Tidal). Alors, une croisade anti-féministe peut-être ? Sans doute pas non plus, n’en déplaise à Taylor Swift (« I made that bitch famous »), puisque cet arrière-train si peut habiller qui figure sur la pochette se justifie en fait par l’intervention de Kim Kardashian, qui aurait suggéré à son mari le cul du mannequin Sheniz Halil, manifestement habituée à se retrouver dos aux objectifs en tenues toutes légères (compte Instagram à l’appui)…Lorsque deux esprits brillants cohabitent, le résultat est grandiose…

Autre probabilité, tirée par les ficelles du bikini : considérer, via cette cover, la possibilité d’une satire morale, qui opposerait la société juste (celle qui se marie, en costumes) et celle de la société décadente (celle de la jeune fille en petite tenue, sur une plage sans doute mal fréquentée. Mais arrêtons là : iconographiquement parlant, et là tous les éléments semblent vraiment concorder, le mec semble juste faire n’importe quoi…Et tant que certains seront là pour hurler au génie et confondre la véritable proposition artistique et le simple délire mégalo chronique, il aurait tort de ne pas le faire.

Le son

On le disait : à l’inverse des productions visuelles qui accompagnent le contenu de ses disques (plus on avance, plus c’est laid), le quasi quadra Kanye (38 ans à ce jour) poursuit avec The Life Of Pablo sa construction d’un empire d’une ouverture d’esprit et d’une diversité irréprochable. Casting de rêves (Kendrick Lamar, Rihanna, Frank Ocean, The Weeknd, Young Thug…) et productions d’orfèvres : The Life Of Pablo est son 7e album, soit le temps qu’a mis Dieu pour construire le Monde. Certains, convaincus par l’auto divinisation permanente du rappeur et producteur le plus mégalo de la planète, pourraient y voir un lien évident…

Kanye West (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / Soundcloud)

Peter De Potter (FacebookInstagram)

Kanye West, The Life Of Pablo, 2016, GOOD Music, Def Jam, 58 min., pochette par Peter De Potter